Hier matin, la salle d'audience du pôle pénal spécialisé d'Oran était étrangement calme et vide, mis à part la présence de journalistes et des avocats des prévenus dans ce qu'il convient d'appeler, depuis quelques mois, l'affaire Sonatrach-Safir à Oran. Une affaire qui a éclaté en décembre 2010 suite à une enquête des services de sécurité sur les passations de marchés au niveau de l'activité Aval de 2007 à 2008, ayant abouti à l'inculpation de l'ex-DG par intérim de Sonatrach et ex-vice-président de l'activité Aval, A. Feghouli, en compagnie de trois autres cadres, par le juge d'instruction du tribunal d'Arzew. Les quatre prévenus ont été placés en détention préventive depuis le 20 décembre. L'affaire a été transférée au pôle judiciaire d'Oran en raison de son caractère économique puisque le dossier concerne des marchés de gré à gré avec la société algéro-française Safir. Les marchés les plus volumineux dont la passation est jugée contraire à la réglementation, tel que relevé par les enquêteurs, sont entre autres la réalisation d'une station de stockage d'azote au complexe pétrochimique d'Arzew pour un montant de 10 millions d'euros, ainsi qu'un marché de prestation d'ingénierie et de service de projets pour la somme de 27 milliards de centimes. Ainsi, hier matin, cinq inculpés devaient comparaître pour les chefs d'accusation de “passation de marchés contraire à la réglementation et dilapidation de deniers publics”, selon l'arrêt de renvoi, à savoir l'ex-PDG, M. Meziane, toujours sous contrôle judiciaire, et trois autres anciens cadres du groupe, dont un responsable de la division développement Aval, l'ex-DG de la société Safir et un ancien cadre de l'entreprise Cogiz. Dans la salle d'audience, à peine les débats entamés que le report du procès a été prononcé pour le 27 avril, en raison de l'absence de la majorité des témoins, dont deux seulement étaient venus sur les 10 attendus dans cette affaire. Les avocats de la défense des quatre prévenus demandent à ce que leurs clients bénéficient de la liberté provisoire, ce qui leur sera refusé, en dépit de l'état de santé de deux d'entre eux. En effet, l'avocat de A. Feghouli a déclaré que son client a dû être transféré à l'hôpital à trois reprises depuis son incarcération, de même pour l'ex-DG de Safir dont l'état de santé est estimé précaire. Ces requêtes furent rejetées par la présidente du tribunal qui confirmera donc le maintien en détention des prévenus. À l'extérieur de la salle d'audience, apprenant cette décision, les familles ont laissé éclater leur colère et leur douleur. Sous l'effet de l'émotion, elles haranguent la presse qui “se contente de rapporter des propos sans mener ses propres investigations. Allez voir si les 3 anciens cadres de Sonatrach ont des biens ou s'ils se sont enrichis, ce sont des boucs émissaires !” hurle une femme bouleversée. Il faut rappeler que cette affaire a éclaté dans le sillage des scandales de Sonatrach et peu après la fin de la conférence du GNL 16 qui avait eu lieu à Oran. C'est encore en substance le mode de fonctionnement sous la houlette de l'ex-ministre de l'Energie qui est cœur de ces affaires puisque l'on retrouve dans ce dossier la fameuse circulaire R15. L'avocat de l'ex-DG de Safir nous donne une piste sur les futurs débats en déclarant : “Cette affaire est un grave précédent puisque l'on poursuit le partenaire contractant. Imaginez ce qui va se passer pour les partenaires étrangers de Sonatrach qui a signé plus de 2 000 contrats de gré à gré ces dernières années.”