Résumé : Malgré les mœurs rigides de l'époque, Ghenima se débrouillait pour rencontrer Mohand. Pourtant Da Kaci avait demandé à sa femme de veiller sur leur fille jour et nuit. 13eme partie Ne parlait-on pas au village de “djinns” voleurs de jeunes vierges ? Une légende peut-être qui alimentait les conversations de femmes. On chuchotait alors dans les chaumières, qu'une telle avait perdu son hymen au crépuscule d'un jour d'hiver, en s'adossant à un arbre dans lequel dormait un revenant, qu'une autre avait perdu la tête car elle était passée près d'une rigole d'eau vaseuse où se regroupaient chaque soir “les gens d'un autre univers”, qu'une troisième encore, avait rencontré un vieil homme dont la barbe était aussi blanche que la neige du Djurdjura et aussi longue que la gandoura qu'il portait, et que depuis ce jour, la jeune fille était devenue muette. Les femmes poussaient de petits cris d'effroi, mettaient leur mains sur leur bouche, ou invoquaient le nom d'Allah et de son prophète pour éloigner les mauvais génies. Celles qui avaient des jeunes filles, redoublaient de vigilance et ne leur permettaient de sortir, même en plein jour, qu'accompagnées d'autres filles, ou de préférence de vieilles femmes. Ces dernières n'étaient-elles pas les meilleures gardiennes du feu sacré des traditions ? Ghenima n'échappait pas à la règle. Elle sortait accompagnée souvent de Fatiha, ou des autres voisines, ou quelquefois de sa mère, quand cette dernière n'était pas trop occupée. Mais la vigilance maternelle ne semblait pas avoir beaucoup d'influence sur elle, puisque finalement, la jeune fille avait fini par trouver l'astuce, pour aller rejoindre son amoureux en toute tranquillité, dès que les lumières sont éteintes ! Fatiha se retourne vers sa belle-sœur : - Alors tu arrives ? - Je suis juste derrière toi. Fatiha sourit : - Je pensais que Mohand allait t'attacher à un poteau. Il te dévorait des yeux. - N'exagère pas. Il m'a à peine lancé un regard glacial. Fatiha s'arrête et éclate de rire : - Tu appelles çà un regard glacial ? Que prendras-tu donc pour un regard brûlant ? Une torche enflammée ? Ghenima lui donne une tape dans le dos : - Cesse de te moquer de moi, je ne suis plus une gamine tu sais. Fatiha écarquille les yeux : - Oh mais ma douce, une gamine de ton âge s'avérerait plutôt indécente, si elle s'amuse à prendre un regard aussi dévorant que celui de son amoureux pour un regard glacial. Elle se met à rire franchement cette fois-ci puis se passe une main sur son bras : - En guise de glace, quand on parle du loup, je me sens frigorifiée Ghenima, la neige commence à fondre, et il fait un froid plutôt glacial, n e trouves – Tu pas ? Ou bien les yeux de ton amant t'ont-ils réchauffée au point que tu ne vois que du feu. Ghenima se met à donner de grands coups à la jarre que portait Fatiha. - Aïe, aïe, aïe, tu vas casser la jarre Ghenima, et je n'ai plus d'argile pour en fabriquer une autre. - Tant pis pour toi, cela t'apprendra à me provoquer. (À suivre) Y. H.