L'affichage tant attendu de la liste des bénéficiaires des 166 logements sociaux locatifs a eu lieu mardi matin, dans un climat de grand soulagement et de joie intense pour les uns, et d'une profonde déception pour le plus grand nombre des demandeurs, sachant que 3 180 demandes avaient été déposées. Tôt le matin, des attroupements de citoyens, le visage marqué par l'angoisse, se sont formé aux abords des sièges de la daïra et de l'APC où un impressionnant dispositif de sécurité était mobilisé. Peu après l'affichage de la liste, ils étaient nombreux à se rendre à la daïra où jusqu'à 22h30, près de 300 personnes en détresse seront reçues par le chef de daïra. Ils en ressortiront pour la plupart, avec l'espoir de voir leur nom figurer sur la prochaine liste, et pour certains, de passer le cap du recours avec succès. À propos des critères retenus dans cette attribution, le chef de daïra nous avait déclaré dans la matinée :“Nous avons fait de notre mieux pour soulager les familles nombreuses logeant dans des conditions difficiles, notamment le cas de plusieurs familles vivant dans un même appartement, en attribuant un logement à l'une d'entre elles. Nous nous sommes penchés aussi sur la situation de familles expulsées et aux petits revenus (c'est le cas d'une veuve handicapée qui se trouve à la rue avec ses enfants depuis la vente par le propriétaire du logement qu'ils occupaient), de familles squattant par nécessité des établissements publics (comme la salle omnisports), d'autres logeant à plusieurs dans des habitations précaires faute de moyens”. Il ajoute : “Nous avons touché tous les quartiers de la daïra, quant aux familles dont les noms n'ont pas été retenus cette fois, il reste 1 250 logements en cours de réalisation et devant être achevés fin 2012. El Affroun a bénéficié par ailleurs d'un important programme qui fait que d'ici 2014 tous ces demandeurs seront logés. Il y aura pratiquement chaque année, des logements à distribuer”. Cela n'a pas pour autant rassuré ce père de famille nombreuse disposant d'une pièce chez son frère : “Donne-moi la vie aujourd'hui, et ôte-la moi demain”, nous a-t-il dit. Un autre qui reconnaît que cette liste a touché une majorité de familles nécissiteuses “des zaoualiyas” a néanmoins tenu à nous dire, que les brigades d'enquêtes ont dans beaucoup de cas, établi leurs rapports sur la base de déclarations mensongères de la part des familles visitées. La plupart de ces enquêteurs comme les membres de la commission ne sont pas originaires d'El Affroun ; ils ne connaissent pas les gens. Ils ont écrit ce qui leur a été dit”. Et ce qui revient souvent est : “ Il y en a qui habitent à El Affroun depuis moins de 20 ans, la plupart d'entre eux sont originaires de la wilaya d'Aïn Defla et inscrits à El Affroun depuis la décennie noire. Ils ont des biens dans leurs communes d'origine.” D'autres griefs contre des tiers (cités par leurs noms) ont été évoqués : salaire dépassant de loin les 24 000 DA, bénéficiaires aisés, ou encore les mêmes familles qui bénéficient chaque fois de logement mais aussi que quelqu'un aurait déjà commencé à négocier le prix de son appartement. À la base de ces allégations, il faut voir un profond sentiment de frustration : nous avons pu voir des larmes couler sur des visages d'hommes devant la liste. Quoiqu'il en soit, les lettres de recours et les plaintes de certains mécontents promettent des révélations dont certaines pourraient aussi s'avérer non fondées. En attendant le résultat de l'examen des recours, les contestataires continuent d'être reçus par le chef de daïra, d'autres ont demandé audience au wali et un bon nombre a érigé des baraques en zinc sur des terrains vagues. Par ailleurs, trois familles ont dressé des tentes sur la place publique où elles ont passé deux nuits.