Même si Paris a nuancé sa position, en s'alignant pratiquement sur celle de Rome, qui a demandé un “contrôle technique” des accords Schengen pour l'adapter à la situation actuelle, le sommet France-Italie d'aujourd'hui aura le mérite d'éclaircir les positions des uns et des autres sur la question qui fait débat. La déferlante d'immigrants sur le sud de l'Europe, accentuée ces derniers temps par la situation d'instabilité prévalant notamment en Tunisie et en Libye, a poussé la France et l'Italie à remettre en cause les accords Schengen, qui assurent la libre circulation des personnes en Europe. Ces derniers sont plus que jamais menacés, car Paris et Rome comptent en discuter aujourd'hui lors du sommet Berlusconi-Sarkozy. Il ne fait aucun doute que les deux parties tenteront d'accorder leurs violons avant d'en référer à l'UE prochainement. Cette démarche, même si les deux pays ont nuancé entre-temps leurs positions, pourrait aboutir à une remise en cause des accords Schengen, d'où un possible rétablissement total ou partiel des contrôles aux frontières des pays européens. Il n'est pas également exclu que l'on revienne dans un cas extrême à l'ancien système du visa propre à chaque pays européen, si le visa Schengen n'est plus reconnu par les vingt-sept pays membres de l'Union européenne. C'est une hypothèse qui n'est pas envisagée pour l'instant, d'autant plus que la France et l'Italie ont mis de l'eau dans leur vin, affirmant qu'il n'était pas question pour l'heure de suspendre les accords Schengen, mais qu'il fallait juste penser à mettre en place des mécanismes permettant un contrôle rigoureux en cas de nécessité. Néanmoins, en cas d'intensification du flux migratoire, nul ne peut jurer de rien. Ceci étant, après le tollé provoqué au sein de la classe politique française par la décision annoncée par l'Elysée sur ses intentions de renforcer la clause de suspension provisoire des accords de libre circulation de Schengen, le gouvernement a précisé sa démarche, en déclarant qu'il ne s'agissait pas de se retirer de Schengen mais d'instaurer “un frein de secours en cas de crise majeure”. “La France ne veut pas suspendre Schengen, mais souhaite réviser les clauses de sauvegarde de ces accords européens pour faire face à un afflux exceptionnel de migrants”, a notamment déclaré Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Et d'ajouter : “c'est une position raisonnable, qui n'a rien d'anti-européen.” Guaino tentera même de calmer les esprits en expliquant que “la France n'a pas envoyé de signal. Il y a eu une expression qui était peut-être un peu rapide sur ce sujet, qui a été surinterprétée”, assurant que le sujet sera discuté “sereinement et tranquillement” lors du 29e sommet franco-italien aujourd'hui à Rome. Cette mise au point du gouvernement français n'est intervenue qu'après le tollé qu'ont provoqué les déclarations vendredi d'une source à l'Elysée sur une éventuelle suspension des accords Schengen par la France. Réagissant vigoureusement hier, le numéro deux du Parti socialiste français, Harlem Désir, a estimé que “Sarkozy et Berlusconi faisaient honte à l'Europe, étaient la honte de l'Europe”, à propos de la gestion de l'afflux de migrants venus de Tunisie et de Libye, notamment, via l'Italie. “Sarkozy et Berlusconi font honte à l'Europe, sont la honte de l'Europe. Quand ils se renvoient des migrants comme des produits, ils se comportent de façon absolument indigne”, a déclaré M. Désir à la radio RTL. Pour lui, “la France devrait être à la tête d'une réponse européenne coordonnée”. “Ce serait une erreur funeste de renoncer à Schengen”, a-t-il dit. Selon lui, il aurait “fallu anticiper” cette situation et “apporter de l'aide à l'Italie et à la Tunisie”. Dominique de Villepin de République Solidaire a estimé que ce souhait est “une erreur”. Pour l'ancien Premier ministre, c'est même tout le contraire : “Il faut faire fonctionner Schengen” et “établir de vrais contrôles” aux frontières. Il a ainsi insisté sur la nécessité de mettre plus de “moyens humains et technologiques”, évoquant le renforcement de Frontex, l'Agence européenne de surveillance aux frontières. Enfin, Manuel Valls a affirmé dans Le Parisien, dans son édition de dimanche, qu'“à ce stade, la suspension générale des accords de Schengen serait disproportionnée”. Mais “l'Europe aurait dû mettre tous les moyens pour permettre à l'Italie d'accueillir les migrants dans d'autres conditions”.