Ce procès, tant attendu, s'est ouvert dans une ambiance très houleuse où parents des prévenus et avocats de la défense se sont insurgés contre l'attitude du procureur. La salle d'audience du pôle pénal spécialisé d'Oran, où se déroulait hier le procès de l'affaire Sonatrach-Safir avec pour principaux inculpés, les deux ex-dirigeants du groupe pétrolier, M. Meziane et A. Feghouli, a été le théâtre d'un incident grave entre les avocats de la défense et le procureur. En effet, alors que le procureur qui lisait son réquisitoire depuis plus d'une heure, il s'en prendra à la partie civile. Le représentant de Sonatrach jugea cette attitude “immorale et contraire aux règles de la profession !” Car, pour lui, la partie civile avait établi qu'aucun préjudice financier n'avait été subi par Sonatrach dans cette affaire, refusant du coup les charges contre les cadres du groupe présents dans le box des accusés, en l'occurrence A. Feghouli ex-P-DG et vice-président Aval, H. M., ex-directeur de la division étude et développement Aval, M. N. ex-DG de Safir, B. T., cadre à la retraite de Sonatrach, et M. Meziane, ex-P-DG de Sonatrach. Maître Miloud Brahimi s'insurgea en s'adressant au juge : “Non Madame !... C'est inadmissible, non ! Il n'a aucun droit de toucher à la dignité de la partie civile, cela ne s'est jamais vu qu'un procureur s'en prenne ainsi à la dignité d'un avocat, c'est l'ensemble de la défense qui est salie, il n'a pas le droit de se permettre de toucher à la dignité des avocats.” La présidente du tribunal tente de calmer Me Miloud Brahimi. Tous les autres avocats exigent alors des excuses du procureur et menacent de quitter la salle. Le procureur ne réagit pas au même moment certains des prévenus sont tout près de vaciller. Plusieurs d'entres eux sont malades, et souffrent entre autres de diabète, affirment leurs avocats. Alors que les éclats de voix des avocats retentissaient dans la salle d'audience, la juge tente de reprendre en main son audience. Les proches des 4 inculpés incarcérés depuis plus de 4 mois se mettent de la partie. À leur tour, ils laissent éclater leurs émotions et tentent d'approcher les prévenus en leur tendant des bouteilles d'eau. Cohue, énervement, bousculade pour ce qui est, à leurs yeux, une parodie et un acharnement contre des cadres qui n'ont fait que servir Sonatrach et le pays. “Ils sont diabétiques et depuis ce matin, ils les ont laissés ainsi sans même leur apporter un verre d'eau ; ils veulent les tuer avant de les juger…”, crie un proche à l'adresse des journalistes. Devant le refus du procureur de présenter des excuses, les avocats quittent la salle d'audience tous ensemble. Une interruption qui durera plus d'une demi-heure, obligeant la juge à lever la séance. Cette dernière se retirera avec le procureur et les avocats pendant un moment, au bout duquel ces derniers acceptent de reprendre leur place. C'est dans ce climat tendu et confus que le procureur requerra 6 ans de prison et un million d'amende à l'encontre de 3 prévenus A. Feghouli, Mohamed Meziane et B. T., cadre à la retraite de Sonatrach, et 4 ans pour les deux autres prévenus à savoir H. M. et N. M. C'est une fois encore Me Miloud Brahimi qui donnera le ton des plaidoiries en déclarant que cette affaire “relevait des pratiques politiciennes et non de pratiques judiciaires”. Pour rappel, cette affaire est née suite à un enquête des services de sécurité portant sur les marchés et contrats octroyés par Sonatrach Aval de 2007 à 2008, en l'occurrence c'est un marché de réalisation de 10 bacs de stockage d'azote pour un coût de 66 milliards de centimes obtenus par la société Safir (algéro-française) selon le procédé de gré à gré. Les enquêteurs voyant là un procédé contraire à la réglementation. Ce qui a abouti à l'inculpation et l'incarcération des 4 cadres pour passation de marché contraire à la réglementation et dilapidation des deniers publics. Durant les débats, la juge du tribunal ne cessera d'interroger tous les inculpés sur les raisons qui ont conduit les dirigeants et cadres de Sonatrach à ne pas être passés par l'avis d'appel d'offres et d'avoir eu recours à la circulaire R15. Un choix justifié, selon les déclarations de tous les prévenus, par le caractère stratégique de l'opération de réalisation de ces backs de stockage d'azote indispensables pour la maintenance des installations du complexe d'Arzew et surtout pour la sécurité des installations. Safir étant la seule société en Algérie ayant une maîtrise technologique dans ce domaine. En fin d'après-midi, les plaidoiries se poursuivaient encore et le verdict était attendu dans la soirée.