Facebook, YouTube et Twitter sont vécus par les tenants du pouvoir, non pas comme de formidables canaux de communication, mais comme une contrainte dont ils se seraient passés volontiers, une sorte de regrettable fait accompli qu'il s'agit, à présent, de “gérer au mieux”, dans le but d'en limiter le coût politique. Notre Assemblée nationale, qui avait rejeté la proposition d'un débat général sur la corruption, comme l'y autorisent la loi et son règlement intérieur, vient de montrer que, pour autant, elle n'est pas opposée à tous les débats et que, le cas échéant, elle peut même prendre des initiatives, une fois liquidées les besognes assignées par l'Exécutif. C'est ainsi qu'on a eu droit, hier, à une journée parlementaire consacrée aux réseaux sociaux en ligne. D'où vient donc cet “intérêt” de nos députés à facebook, eux qui, généralement, brillent par leur absence, au sens propre et au sens figuré, autant des travées de l'hémicycle que des places publiques, devenues depuis quelques mois des hauts lieux de la contestation sociale et politique ? Connaissant l'orientation politique de la majorité qui régente la vie parlementaire, il est à craindre que cette manifestation soit le coup d'envoi d'une “campagne de sensibilisation” contre facebook et les autres réseaux sociaux en ligne, perçus comme des outils de communication et de mobilisation pouvant mettre à mal un régime qui a bel et bien montré sa phobie de l'expression libre et qui, il est vrai, a des raisons de s'en méfier. Au demeurant, ce qui s'est dit lors de cette “journée parlementaire” n'est pas de nature à rassurer. Qu'on en juge : d'abord un ministre de la Jeunesse et des Sports qui préconise que facebook, au-delà de ses aspects “négatifs”, soit utilisé pour “l'approfondissement des réformes démocratiques” initiées par le pouvoir. Puis l'intervention d'un député qui jure que “l'Algérie n'a jamais touché au droit de sa jeunesse de communiquer (…) à travers les réseaux sociaux en ligne”. Voilà qui indique que facebook, YouTube et Twitter sont vécus par les tenants du pouvoir, non pas comme de formidables canaux de communication, mais comme une contrainte dont ils se seraient passés volontiers, une sorte de regrettable fait accompli qu'il s'agit, à présent, de “gérer au mieux”, dans le but d'en limiter le coût politique. Pour un régime obnubilé par sa seule survie comme pour les institutions qu'il s'est donné à cet effet, facebook ne peut être apprécié qu'au regard des nuisances qu'il pourrait lui valoir. Mais, comme on l'a vu en Tunisie et en Egypte, ce sont les régimes qui, par leur action liberticide, par leur gouvernance népotique, par la misère qu'ils sèment et par leur prétention à l'éternité, provoquent les révolutions qui les emportent.