Joseph Blatter, 75 ans, réélu mercredi président de la Fifa, fera face pendant les quatre ans de son dernier mandat à d'immenses défis en interne et en externe, alors que l'image de son instance est souillée par les accusations de corruption et les enquêtes internes. Blatter ponctuait habituellement ses discours des expressions “famille du football” ou “famille de la Fifa”. Mais les liens familiaux en ont pris un coup. Durant la semaine écoulée, Blatter a pris ses distances avec le comité exécutif de la Fifa, sorte de gouvernement du football mondial composé de 24 personnes au total. Lundi soir, à deux jours de l'élection, quand un journaliste lui a dit “Cette fois les couteaux sont sortis” pour évoquer le climat délétère de la campagne, Blatter a répondu: “J'y opposerai foi, énergie et moral, je n'ai pas choisi les membres du comité exécutif, je dois gérer des personnalités, je fais au mieux”. Mesure phare de son projet de réforme pour une meilleure transparence, Blatter a fait voter à la hussarde devant le Congrès qui réunit toutes les fédérations (208 membres), à peine sa réélection entérinée mercredi, un nouveau mode d'attribution de la Coupe du monde. Le comité exécutif, qui s'occupait jusque-là de cette désignation prestigieuse, en est dépossédé en faveur du Congrès, dans une volonté de démocratisation du processus, mais aussi dans le but d'éviter, comme l'a dit Blatter des “collusions”. Enfin, l'Angleterre, seule fédération à demander publiquement mercredi matin le report des élections, a ensuite essuyé une volée de critiques lors des discours des fédérations de Haïti, de la RD Congo, du Bénin, de Chypre, des Fidji, de l'Argentine et de l'Espagne. Blatter devra maintenant éviter d'ostraciser l'Angleterre, ce qui serait du plus mauvais effet, et se poser en rassembleur. La suspension de deux membres éminents du comité exécutif --Mohammed Bin Hammam et Jack Warner-- le temps d'une enquête interne dans une affaire de corruption présumée liée à l'élection, ainsi que le déballage de linge sale public qui a suivi, ont irrémédiablement terni l'image de la Fifa. Les principaux partenaires économiques de l'instance -Coca Cola, Adidas, Visa, Emirates- se sont publiquement inquiétés de cette situation. Ils n'ont pas remis en cause leur contrats, mais les négociations à l'avenir se feront sans doute sur un ton moins cordial. Par ailleurs, mercredi, lors du Congrès, plusieurs présidents de fédérations sont montées à la tribune dire tout le mal qu'ils pensaient des médias anglais. Un des plus virulents, Angel Maria Villar Llona, président de la Fédération d'Espagne a lancé: “Vous, membres de la Fifa, êtes intelligents, contrairement à certains journalistes et hommes politiques qui ne savent rien”, en référence aux derniers articles du Sunday Times et à une enquête parlementaire britannique sur les conditions d'attribution du Mondial-2022 au Qatar. Déclaration qui a irrité au plus haut point les journalistes anglais, certains laissant échapper entre leurs dents quelques sifflets, trop loin de l'estrade pour que le dirigeant espagnol les entende. Blatter devra éviter que le lien ne se casse définitivement avec la presse anglaise. Au-delà de ce cas particulier, Blatter va devoir gérer une pression médiatique grandissante avec toutes les promesses de transparence énoncées. Les médias américains vont se faire plus pressants. D'abord parce que les Etats-Unis furent un des candidats déçus à l'organisation du Mondial-2022, mais aussi parce qu'ils ont désormais sous la main un personnage de premier plan: Chuck Blazer. Résident à New York, ce membre du comité exécutif à la barbe de Père Noël est celui qui a révélé une possibilité de fraude électorale il y a Sune semaine, à l'origine des enquêtes internes.