Alors que de nombreux ténors de la scène politique, connus pour leur parcours, leur combat et la pertinence de leurs propositions, ont décidé de tourner le dos à cette kermesse, le porte-parole de l'instance estime que leur position est “libre et souveraine”. L'exercice a dû être laborieux pour le conseiller du président de la République, Mohamed Ali Boughazi : comment convaincre une opinion publique médusée de la pertinence d'une démarche sur les réformes politiques où les convives, hormis quelques figures, sont inconnus au bataillon lorsqu'ils ne sont pas perçus comme des “parasites”, pour certains, ou des “fossiles” ou “cadavres”, pour d'autres ? Après quinze jours d'un oral où l'on a vu défiler des personnalités politiques dont certaines ont été tirées de leur retraite, des représentants d'association connus pour leur proximité avec le pouvoir et des représentants de ce qui est pompeusement appelé société civile, le porte-parole de l'instance dirigée par Abdelkader Bensalah a trouvé pourtant matière à jubiler. “L'instance a enregistré une réaction positive (de la part des parties conviées) par rapport à cette démarche importante dans le processus des réformes profondes, initiées par le président de la République”, a affirmé avant-hier Mohamed Ali Boughazi lors d'un point de presse. Histoire de légitimer l'instance désignée unilatéralement par le président Bouteflika, il a rappelé qu'elle “n'est ni un mécanisme de délibérations ni un système de comptage et de classification (d'avis et de suggestions)”. Elle réunit les conditions idoines pour mener l'opération des consultations sur les réformes politiques, lesquelles constituent un enjeu majeur pour l'avenir du pays, dit-il. Il s'agit, à terme, d'élaborer un document consensuel qui regroupe tous les avis et propositions recueillis pour les soumettre ensuite au président de la République. Alors que de nombreux ténors de la scène politique, connus pour leur parcours, leur combat et la pertinence de leurs propositions, ont décidé de tourner le dos à cette kermesse, pour reprendre un vocable en usage, une défection qui immanquablement porte un coup à la crédibilité de la démarche, le porte-parole de l'instance estime que leur position est “libre et souveraine”. Quant à l'idée de l'organisation d'une conférence nationale qui devrait couronner la démarche, où tout ce beau monde devra se regarder dans les yeux et pourrait confronter ses propositions, elle a été simplement évacuée d'un revers de main. “Je ne pense pas !” a tranché le conseiller du président de la République. Dès lors, il s'agit de s'interroger si, en définitive, l'instance n'est pas réduite à une simple boîte aux lettres. Mais au-delà, au regard du rythme imprimé aux consultations, même si la fin juin est fixée comme date limite à la fermeture du “guichet”, on a la vague impression que “rien n'urge” pour la commission et qu'on veut gagner du temps. À moins que le message sibyllin qu'on veut délivrer est que, contrairement aux autres pays arabes, “on avance à notre rythme et on n'est pas soumis à une pression particulière”. Il faut dire aussi qu'en haut lieu on mise peut-être sur la baisse de la pression populaire dans les prochains mois, notamment en juillet et août, mois de farniente, de paresse et aussi, cette année, de Ramadhan. Boughazi n'a pas levé non plus le voile sur certains questionnements, du reste légitimes : quels sont les critères qui président quant au choix des personnalités et des organisations à consulter ? Certaines personnalités qui détiennent de hauts postes de responsabilité seront-elles invitées ? L'ANP sera-t-elle consultée ? Que peut bien apporter la consultation de certaines personnalités dont “l'avenir est derrière elles” et qui ont été à l'origine, ou pour beaucoup, dans la situation délétère du pays aujourd'hui ? Et si l'on ajoute qu'en amont déjà la troïka est frappée du sceau du discrédit pour avoir appuyé dans un passé assez récent des décisions à contre-courant des objectifs recherchés par ces réformes, en plus du traitement réservé par le pouvoir aux manifestations populaires, il y a lieu de se demander si ces consultations ne constitueraient pas que de simples causeries destinées essentiellement à une consommation extérieure. Les véritables réformes peuvent attendre. Mais la situation permet-elle encore d'user de ce qui s'apparente à des manœuvres dilatoires ?