La chaîne française d'information en continu France 24 a diffusé, mardi soir, une intervention téléphonique attribuée à l'ambassadrice de Syrie à Paris, Lamia Chakkour, à travers laquelle elle annonçait sa démission de ses fonctions pour ne pas cautionner “le cycle de violence” dans son pays, et reconnaissait “la légitimité des demandes du peuple pour plus de démocratie et de liberté”. On pouvait alors parler de véritable scoop, s'agissant de la première démission d'un ambassadeur syrien depuis le début de la grave crise qui secoue le pays, annoncée en direct qui plus est. Mais, environ une heure plus tard, coup de théâtre ! L'ambassadrice dément avoir démissionné dans une interview téléphonique à la chaîne Al-Arabia. Elle assure alors avoir été victime d'une imposture. La chaîne d'Etat syrienne a pris immédiatement le relais en diffusant un message attribué à Lamia Chakkour, dans lequel elle menace la chaîne française de poursuites judiciaires. “Je suis toujours ambassadrice de Syrie. On s'est fait passer pour moi. Je n'ai parlé à aucune chaîne au monde”, a-t-elle martelé. Interrogée sur BFM TV, l'intéressée a de nouveau démenti s'être exprimée sur France 24 et encore plus d'avoir démissionné. Naturellement, a-t-elle dit, “je porterai plainte contre (cette chaîne) pour ces actes de désinformation, qui s'inscrivent dans une campagne de falsification de l'information (…) contre la Syrie”. On aurait donc pu penser qu'il s'agissait d'un vulgaire canular que France 24 aurait pris pour argent comptant. Mais les choses ne sont pas aussi simples, s'agissant d'une “information” très sensible concernant un pays en quasi-guerre civile, où le régime est fortement contesté et où on évalue à plus de 1 000 morts les victimes des affrontements et de la répression. Lamia Chakkour ne semble pas avoir convaincu tout le monde. Ainsi, la directrice adjointe de la rédaction de France 24, Renée Kaplan, qui affirme bien connaître l'ambassadrice syrienne, est convaincue qu'il s'agissait “bel et bien d'elle”. L'agence de presse Reuter est venue conforter ses propos en indiquant avoir reçu confirmation de cette démission par un mail transmis par l'ambassade de Syrie en France. “Nous confirmons les informations que vous avez pu voir en direct sur France 24”, disait en substance le texte. La chaîne France 24 s'est défendue de toute légèreté dans cette affaire et a expliqué comment l'interview a été préparée. Elle serait entrée en contact avec l'ambassade à travers l'adresse mail utilisée habituellement et Lamia Chakkour aurait été contactée sur un numéro de téléphone “fourni par l'attaché de presse de l'ambassade syrienne à Paris”. Ainsi, les responsables de la chaîne affirment n'exclure “ni la manipulation ni la provocation” et menacent de poursuivre en justice “toutes les personnes, officines ou services officiels qui en seraient à l'origine”. Qui croire dans cette affaire qui prend des allures d'imbroglio politico-médiatique ? Difficile de trancher dans l'état actuel des choses, mais il convient de se poser quand même cette question élémentaire : à qui profite le scandale ? À première vue, le régime de Bachar Al-Assad, confronté à une contestation populaire de plus en plus forte et unanimement condamné pour sa répression sanglante, pourrait être le premier bénéficiaire. En dénonçant “une campagne de désinformation” contre son pays, l'ambassadrice par qui est arrivé le scandale a d'ailleurs donné un avant-goût d'une autre campagne que ne manquera pas de mener le régime syrien en Syrie même et en direction des opinions arabes.