Ce que redoute un pays en développement comme l'Algérie, dont la colonne vertébrale du système économique est totalement inféodée aux cours du pétrole, est qu'une adhésion ne se fait pas sans fracas sur le système social. De passage à Alger, le directeur général adjoint de l'OMC a dit : “L'accession de la République de Kirghizie a duré moins de trois ans tandis que celle de la Chine a pris plus de 15 ans.” Avec ces 24 ans, l'Algérie est en passe de battre un record pour une adhésion maintes fois reportée. De quoi peut bien avoir peur Alger pour retarder une échéance qui est inéluctable ? Sur les 1 600 questions posées pour adhérer à l'Organisation mondiale du commerce, le pays requérant, et c'est notre cas, doit répondre à deux questions cruciales : la première est d'expliquer à l'OMC comment on va s'y prendre pour changer notre système de régulation économique afin de le mettre aux normes de l'OMC. La seconde est de dire quelles sont les concessions d'accès au marché algérien qu'on doit faire pour l'OMC. À ces deux questions, 10 rounds de négociations n'ont pas suffi, ce qui implique que le problème est ailleurs. Car, ce que redoute un pays en développement comme l'Algérie, dont la colonne vertébrale du système économique est totalement inféodée aux cours du pétrole, est qu'une adhésion ne se fait pas sans fracas sur le système social. L'ouverture à la concurrence internationale va contraindre Alger à une profonde réforme institutionnelle qui va toucher son secteur économique mais qui induira, fortement, des changements institutionnels, politiques et sociaux qui ne sont pas les bienvenus par ces périodes de forte agitation. Ainsi, à aucun moment de son histoire récente l'Algérie n'a estimé que ce fût le bon moment. À cause de l'agitation politique et sociale cyclique. Même durant les années Bouteflika où la sacro-sainte stabilité est, soi-disant, de mise, on n'a pas jugé utile d'accélérer le processus d'adhésion. Et ce n'est certainement pas, en ce moment précis, où le système économique n'est pas dévolu à faire de la croissance mais à faire profiter le maximum des classes sociales dans la perspective de maintenir des équilibres de pouvoir, qu'il faille attendre un changement de stratégie de l'Algérie vis-à-vis de l'OMC. De ce fait, soumettre le marché algérien à la concurrence internationale risque non seulement de bouleverser sa nature mais surtout de modifier les rapports de force. Quand on continue à importer, malgré des LFC restrictives, autant de produits agricoles et de produits manufacturés, contre la seule exportation des hydrocarbures, il est clair que notre système de commerce extérieur sera complètement avalé par les injonctions futures de dérégulation qu'imposera l'OMC. Finalement, le choix qui s'offre à nous n'est pas de savoir quand va-t-on adhérer à l'OMC mais dans quel état ? Et il s'agit, pour nous, de nous conformer, au plus vite, à une stratégie nationale de développement pour s'insérer dans la logique économique et commerciale mondiale. Et c'est loin d'être acquis pour une économie pétrolière qui est devenue rentière.