Que retenir de la visite du chef de la diplomatie française en Algérie, et plus particulièrement à Oran, ville jumelée avec Bordeaux, sinon les déclarations de circonstance, le rappel des positions de la France dans les sujets d'actualité régionale et internationale et un lapsus singulier. Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères et européennes, et de fait, accessoirement édile de Bordeaux, était à Oran, jeudi dernier, pour raffermir le contrat de jumelage entre les deux villes signé en 2003, accompagné de son homologue algérien, Mourad Medelci. Arrivé avec un retard imputé au déjeuner présidentiel, le ministre a rappelé, dans une allocution prononcée à l'Hôtel de ville, ses entretiens avec les responsables algériens, à leur tête le président de la République, ainsi que l'importance de la coopération décentralisée qui exprime le caractère de proximité des relations entre les deux pays. M. Juppé, le maire, évoquera le lancement de certains projets à l'image de celui unissant les conservatoires de Bordeaux et d'Oran et la continuité des actions engagées depuis 2003. Il parlera, également, de deux directions “importantes” à prendre pour les accords de coopération, avec l'apport d'un soutien effectif aux associations et les projets de valorisation du patrimoine. Le volet “local” plié, le MAEE, invité par le Centre culturel français pour un “questions-réponses” avec des étudiants de sciences politiques de l'université d'Oran, a réitéré les positions officielles de Paris concernant plusieurs dossiers notamment la Libye, la Palestine, le Printemps arabe et la coopération économique entre les deux Etats. Des questions posées sagement par des étudiants sélectionnés permettant au ministre d'exposer et d'argumenter la politique extérieure française. Un exercice sur du velours puisque les organisateurs, outre le caractère trop académique des questions, refuseront le micro aux journalistes, présents en force. “Il ne s'agit pas d'une conférence de presse”, s'excusera M. Juppé de ne pas répondre à la question d'un confrère. Le seul moment fort de cet échange réside dans le lapsus fait par le chef de la diplomatie française quand il faillit confondre l'Algérie et la Tunisie en répondant à une question sur la célérité de l'intervention française en Libye et non pas en Egypte et en Tunisie. “Tout le monde a été pris par surprise, qui a vu venir ce qui se passait en Al…, en Tunisie”, dira-t-il, évoquant les événements du Printemps arabe. Un lapsus révélateur de la sensibilité des relations bilatérales assujetties aux positions diamétralement opposées et aux divergences de vue des deux capitales sur certains sujets régionaux mais aussi au passif historique lourd qui plombe, selon la vision française, l'avenir relationnel. Ainsi, en est-il du dossier particulier de la mémoire qui verra M. Juppé, fidèle à la feuille de route de Sarkozy, affirmant que la France n'était pas prête pour la repentance et que le mieux serait de regarder vers l'avant. Rien de nouveau dans ce qui est déjà une certitude française. À propos de la position de Paris sur le Sahara occidental, M. Juppé, tout en se félicitant de la volonté de contact entre Alger et Rabat malgré ce problème, a veillé à rappeler les fondamentaux français qui consacrent la médiation américaine et le travail de l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, comme base d'une solution dans la voie d'une reconnaissance du peuple sahraoui, soit sous la forme d'une autonomie, un plan préconisé par le Maroc, rappelons-le, soit sous la forme de l'indépendance. Concernant l'intervention militaire française en Libye et les accusations portées par le Conseil national de transition contre l'Algérie de soutien financier et d'envoi de mercenaires en aide au régime de Kadhafi, le ministre français rappellera l'épisode du coup de fil polémique à Mourad Medelci lui demandant de clarifier la position algérienne. Un rappel tout diplomatique puisque M. Juppé affirmera qu'Alger respecte les résolutions de l'ONU au sujet de la Libye. Quant à la relance de l'Union pour la Méditerranée, il citera les efforts de son pays pour améliorer sa gouvernance en nommant, “avec l'appui de l'Algérie”, M. Amrani, un haut cadre marocain, au poste de secrétaire général de l'UPM. Des projets sont lancés à l'image de l'office méditerranéen pour la jeunesse ou encore le plan solaire méditerranéen et le projet d'une Méditerranée propre pour dire toute la volonté de Paris pour redonner vie à l'union chère à Sarkozy. Alain Juppé aura encore à évoquer la coopération économique entre les deux pays à l'ombre de la concurrence chinoise, déclarant ne pas la craindre pour peu que les règles du jeu soient respectées et confirmera de nouveau la position de Paris qui s'aligne sur Washington à propos d'une éventuelle résolution de l'ONU, en septembre, consacrant une reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien. “La France est prête à accueillir les belligérants autour d'une table de négociations”, dira-t-il.