La famille de Abdelkader Ould Amri refuse que l'enquête soit menée par l'institution policière impliquée dans la mort de son fils Les habitants de Draâ Ezzemam (commune de Corso) ne décolèrent pas. Profondément affligés par la mort tragique d'un des leurs — Abdelkader Ould Amri, un chauffeur de poids lourds, abattu dans la nuit de samedi à dimanche par des policiers de la Brigade de la police mobile (BMPJ) de Boudouaou, alors qu'il était à bord de son camion, à la sortie de la localité —, ils se sont livrés, hier matin, à un violent face-à-face avec les éléments de la Sûreté, venus chercher le véhicule du défunt pour les besoins de l'enquête judiciaire. À l'apparition des Nissan de la police et d'une dépanneuse, les hommes du hameau ont accouru pour empêcher le départ du camion. “Ils prétextent l'enquête pour faire disparaître la preuve de leur forfait”, s'écrie El-Mecheri, père de la victime. Furieux, il n'admet pas que ceux qui ont tué son fils reviennent pour enquêter sur sa mort, comme si de rien n'était. “Nous réclamons une enquête indépendante”, demande le père avec insistance. Doutant profondément de l'honnêteté de l'institution judiciaire, il dénonce la volte-face du procureur général près le tribunal de Boumerdès qui avait promis de l'éclairer dans les plus brefs délais — 34 heures — sur les premiers éléments de l'enquête. “Ils nous a rassurés sur le sort des coupables, en affirmant qu'ils étaient mis aux arrêts”, confie El-Mecheri. Or, non seulement le procureur général n'a pas tenu son engagement, mais s'est dérobé. “Nous avions rendez-vous avec lui ce matin, mais il a refusé de nous recevoir”, explique le père de Abdelkader. Déjà sur les nerfs, il a répandu sa colère sur les policiers venus pour déménager le camion. Aux tirs de sommation des agents de la Sûreté, la communauté villageoise a répliqué par des jets de pierres. Pour ne pas envenimer davantage la situation, les policiers ont préféré battre en retraite. Immédiatement, les Ould Amri ont encerclé le camion de la victime avec leurs propres engins pour parer à une nouvelle tentative de déplacement. “Le camion parti, on nous oubliera”, avertit tristement le père. Celui-ci raconte la manière avec laquelle la police voulait lui faire signer un procès-verbal, confirmant sa version des faits. “Je les ai insultés (les policiers, ndlr) et je suis sorti du commissariat”, raconte El-Mecheri. Horrifié, le pauvre père venait d'apprendre par la bouche du commissaire divisionnaire que son fils a été ciblé, car il faisait partie d'un groupe suspect, des terroristes ou des pilleurs de sable. “Aujourd'hui, nous sommes devenus des terroristes, alors que nous étions obligés de nous défendre seuls contre les terroristes”, constate amèrement notre interlocuteur, chef Patriote de son état. Lorsqu'elles ont entendu les tirs de sommation de la police, hier, les femmes du hameau, très affolées, se sont précipitées hors de leurs domiciles. “On ne sait jamais, ils pourraient récidiver”, craignent-elles. “Quelqu'un d'autre aurait pu être à la place de Abdelkader cette nuit-là et subir le même sort”, affirment les femmes. Pour elles aussi, il n'y a pas de doute, la maffia du sable dont les Ould Amri contraignaient les desseins, est derrière la mort de Abdelkader. S. L.