Les citoyens ont bloqué, hier, la route au passage des policiers venus récupérer le camion criblé de balles. Ils étaient, hier, encore des dizaines qui exprimaient leur colère après la mort, dans des conditions controversées, d'Ould Amri Abdelkader, 32 ans, chauffeur de transport de ligne Corso-Boumerdès. Les citoyens de Draâ Z'man, au sud-est de Corso, ont carrément bloqué la route aux policiers venus de Boumerdès récupérer le camion, criblé de dizaine de balles. «Nous ne sommes pas de la Bmpj de Boudouaou (ceux-là qui ont tiré sur le jeune conducteur, Ndlr), nous sommes de Boumerdès», lance un officier de police. Mais cela ne sert à rien. Les habitants sont décidés à laisser la camion à sa place, «comme un mauvais souvenir sur les consciences et comme une stèle qui rappellera l'injustice et la hogra». Les policiers finiront par repartir aussi vite qu'ils sont venus. Les circonstances de la mort du chauffeur de camion sont à ce point troubles pour inciter à la plus grande circonspection. Selon un officier de la Dgsn, «les brigades mobiles ont enregistré le passage d'un camion GBH au moment où il leur a été signalé le déplacement, au même moment et sur le même chemin, d'un groupe terroriste. Les policiers ont sommé le conducteur de s'arrêter, et il s'avère que celui-ci n'a pas obtempéré, obligeant les policiers de patrouille à tirer». Cette version a été contestée par l'ensemble des citoyens, dont des gardiens d'entreprises installées à côté, et qui ont été témoins de l'accident. Selon plusieurs témoignages, «il était près de 1h50 lorsque Ould Amri montait la pente à bord de son camion. Il était seul et ne pouvait, de fait, constituer un quelconque danger. Les deux véhicules de police en patrouille ont dépassé le virage lorsqu'ils ont vu les phares allumés du camion qui avançait. Suite à quoi, les policiers ont effectué une manoeuvre en arrière et se sont postés droit sur son passage, et tout à coup, ça tonnait de partout. Au moins une soixantaine de balles avaient été tirées pour tuer le chauffeur, et les preuves sont là, devant vous.» Selon un autre citoyen, «ce que les habitants reprochent à la police c'est de ne pas avoir usé de leurs armes pour faire d'abord des tirs de sommations, puis, s'il y avait lieu de tirer, de viser les pneus pour immobiliser l'engin. Or, ce qu'on constate, c'est que la Bmpj a tiré directement sur le chauffeur, en visant le thorax et la tête.» Le camion, penché sur le côté, les pneus crevés, est là pour ajouter foi aux témoignages des citoyens. 56 impacts, de balles sont relevés sur la tôle du camion, dont au moins une trentaine qui a atteint et transpercé la cabine où se tenait le chauffeur. Retour sur Boumerdès. Chez Affani, le responsable de la police locale. «Ecoutez, commence-t-il par dire, l'affaire n'est plus entre nos mains, une enquête a été ouverte par les services concernés de la wilaya de Boumerdès pour déterminer avec exactitude les circonstances de la mort du chauffeur, je vous conseille, par conséquent de se rapprocher du procureur près du tribunal de Boumerdès». Ce que nous avons fait. Mais dans le bureau du procureur on n'avance pas pour autant. Il y a d'abord la lourdeur de la machine judiciaire, et puis le secret de l'instruction de l'affaire. «L'enquête mettra quelques jours pour aboutir», lance le procureur.