Les présents, presque tous, ont critiqué d'une façon ou d'une autre la gouvernance présente et passée. L'atmosphère assez tendue au départ a commencé à se décrisper au fil des heures et des débats. Mais de temps à autre de gros remous, à la limite de la correction, apparaissaient, démontrant si besoin est, que les Algériens même possédant un certain niveau universitaire, ne savaient plus discuter sereinement, sans anathème, ni soupçons. Par bonheur, Zaïm Bensaci, en tant qu'aîné, réussissait à chaque fois, à remettre le débat sur les rails ! Deuxième, après Boualem M'rakach (président de la CAP), à intervenir l'après-midi du mardi 14 juin, Issad Rebrab, patron du groupe Cevital, annonce la couleur de ce qui a de tout temps été son cheval de bataille, l'investissement productif, créateur de richesses et d'emplois. “Pourquoi, avec toutes ses potentialités, l'Algérie n'est pas développée ? Parce qu'on n'a pas libéré les initiatives et la possibilité d'entreprendre. Nous sommes le seul pays au monde, en dehors de la Corée du Nord, où on doit demander l'autorisation de créer des emplois et de la richesse !” Ainsi le ton est donné par celui qui a été distingué meilleur exportateur de l'année, qui ajoute : “Il est indispensable de limiter le pouvoir du Conseil national de l'investissement (CNI) aux projets de régime général, de déplafonner les projets d'investissement, car jusqu'ici, si on projette d'investir au-delà de 5 millions d'euros, on doit attendre l'avis du CNI. Pour notre part, nous avons plusieurs projets en attente au CNI, depuis 3 années et plus ! On devrait placer l'entreprise algérienne privée sur un pied d'égalité que l'entreprise publique. On devrait s'inspirer de ce qui se fait ailleurs sur la question du foncier industriel, et voir comment il est réglementé dans d'autres pays.” Au deuxième jour des débats, Issad Rebrab exposera de nouveaux arguments contre les errements de ceux qui sont en charge de l'économie du pays. Il soulignera par ailleurs l'inconséquence des pouvoirs publics, en exposant la situation de l'offre : “Pour qu'il y ait offre, il faut qu'il y ait production donc entreprises, et investissement. Et pour qu'il y ait investissement, il faut qu'il y ait liberté d'investir. Les pouvoirs publics prétendent que les entreprises publiques et privées sont traitées sur un pied d'égalité. Mais alors qu'on m'explique pourquoi impose-t-on à une entreprise privée algérienne qu'elle s'associe à une entreprise publique, au 51%/49%, en faveur de l'entreprise publique ! Pourtant aucune loi ne l'exige !” Autre intervention de poids, celle du Dr Lamiri. Son questionnement d'abord, qui pose le problème des forces en présence. “Comment faire pour que l'ensemble des forces en présence s'attellent à l'économie dans un mouvement de synergie ? L'Algérie a besoin de réingénierie globale, car on manque d'une institution d'intelligence économique. Je propose que les 700 ou 800 meilleurs cerveaux du pays soient réunis et que les résultats de leurs réflexions soient étudiés et mis en œuvre. Il est urgent de commencer par moderniser les cerveaux. Notre top priorité devrait être la mise à niveau des institutions de formation. Ensuite il sera nécessaire de mettre l'entreprise au centre des préoccupations. L'Algérie devrait disposer de 1,5 millions d'entreprises. Nous sommes en retard dans le financement de l'économie productive comme l'indique la ventilation des crédits bancaires : 40% pour l'import, 40% pour les entreprises publiques et 8% pour le secteur privé !” M. Ziani, représentant de la CIPA, oberve : “J'ai assisté à 14 tripartites, sans voir en sortir des résultats. En fait il n'y avait pas de tripartite mais juste un tête-à-tête UGTA/gouvernement. Ce qui serait souhaitable c'est le respect de l'égalité des droits entre les entreprises du secteur public et celles du secteur privé. On prétend vouloir atteindre l‘autosuffisance et la sécurité alimentaire. Or, on a tué un secteur florissant, celui de l'industrie de la tomate avec 120 000 emplois sacrifiés et 12 ou 13 usines bloquées ! On a tué la filière du concentré de tomates : on se contente désormais d'importer du concentré qu'on met en boîte.” Le lendemain 15 juin, on saura que le coût de l'importation de concentré de tomates atteint 200 millions d'euros, alors que la mise à niveau des 12 ou 13 unités ne reviendrait qu'à 20 millions d'euros. Réda Hamiani, le président du FCE, “on ne veut pas de champions en Algérie” Dans une intervention importante, le président du Forum des chefs d'entreprises se demande si les recommandations resteront lette morte. “Après la période d'autisme des pouvoirs publics, voici venu le temps du dialogue et de la concertation. Si nous fondons beaucoup d'espoir sur les conclusions qui seront dégagées par ces assises, nous serons déçus au cas où elles resteraient lettre morte. Jusqu'ici nous avons fait de mauvais choix économiquement et politiquement. Un net décalage existe (jusqu'ici) entre les déclarations des pouvoirs publics et la réalité du terrain. Il est vital de faire évoluer le capitalisme algérien en réintroduisant la confiance, en corrigeant ce qui doit l'être grâce à une politique de proximité. Car, sans que la chose soit écrite, j'ai l'impression qu'on coupe systématiquement tout ce qui dépasse. On ne veut pas de champion (privé) en Algérie. Les banques traînent les pieds avant d'accorder des crédits et nos entreprises ferment les unes après les autres, car leur produit n'est plus compétitif comparé au produit importé.” Professeur Belmihoub : “La corruption en Algérie ampute le PIB de deux points L'intevention du profeseur Belmihoub a été axée sur l'économie informelle et son corollaire, la corruption. “À court terme, la recherche du profit justifie la corruption chez ceux qui la pratiquent. Sur le long terme, ce genre de pratique constitue un frein au développement. La corruption ampute la croissance du pays de 2 points, selon une récente étude du FMI à propos de corruption dans la région Mena !... ne peut-on pas sortir avec une déclaration sur la corruption qui est une affaire nationale ? S'il y a des corrompus, c'est qu'il y a des corrupteurs. Il faut que ceux qui dénoncent la corruption soient protégés !” Pour Issad Rebrab, “le problème du chômage rejoint celui de la gouvernance. Nous sommes dans un pays qui pourrait connaître une croissance à 2 chiffres. Si le pays disposait d'une bonne gouvernance, dans quelques années, l'Algérie devrait importer de la main-d'œuvre”. Les problèmes rencontrés par les entreprises sont nombreux. Ainsi selon le patron du groupe Cevital, “il existe aujourd'hui des entreprises qui disposent d'équipements neufs dans leurs caisses et qui attendent un terrain pour construire leur usine. Elles attendent depuis 2, 3 ou même 4 ans le feu vert de la CNI. Cevital possède un projet de pétrochimie capable de créer 3000 PMI et 100 000 emplois directs. Au total 300 000 emplois durables. Libérez l'entreprise et la gouvernance économique et les choses iront mieux !”