“À chaque fois qu'un bateau débarque une cargaison de friperie, c'est une usine de confection qui est en difficulté.” Cet argument mis en avant par l'Ugta lors de la dernière tripartite pour revendiquer “l'interdiction définitive de l'importation de la friperie” n'a pas convaincu les députés, plus sensibles aux thèses des “lobbies” d'importation. À contre-courant de la volonté des pouvoirs publics de réhabiliter le secteur du textile et du cuir, justement malmené par la concurrence déloyale et l'ouverture commerciale, les députés ont introduit dans la loi de finances complémentaire 2011 un article autorisant l'importation d'articles de friperie dans des conditions réglementées, à l'exclusion des chaussures usagées. La raison avancée par la commission finances et du budget de l'APN pour justifier la mesure ne tient pas la route. Cette nouvelle disposition ne fait que légaliser une activité qui perdure dans le cadre informel, notamment à la frontière algéro-tunisienne, a-t-elle argumenté, et pourrait générer de nouvelles ressources au Trésor public. Hier, le ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'investissement a jugé, sur les ondes de la radio Chaîne III, “inopportune” la mesure adoptée par un Parlement “souverain” au moment où “l'Etat est en train de restructurer cette filière, qui crée beaucoup d'emplois et qui offre des opportunités de substitution aux importations”. “Le gouvernement n'était pas du tout favorable à cette mesure”, a-t-il précisé, indiquant qu'il partageait la position d'un député, qui est aussi représentant du syndicat du textile, en faisant référence à l'intervention du secrétaire général de la Fédération du textile. Les pouvoirs publics ont décidé récemment d'un fonds de soutien de deux milliards de dollars pour relancer la filière textile et cuir. Le secrétaire général de la Fédération du textile, sur la même chaîne, se dit peiné “de voir une décision pareille”. En dépit de tous les efforts en matière de redéploiement qualitatif de la production, l'industrie textile nationale perd des parts importantes du marché. La libéralisation du commerce extérieur ne fera qu'aggraver davantage cette situation, obligeant l'industrie textile à recourir à la fermeture d'unités de production et/ou à la réduction significative de la production avec les mesures sociales qui en découlent. Aujourd'hui, l'industrie textile est au bord de l'essoufflement. Dans le secteur de la confection, plusieurs unités de production ont été fermées faute de plan de charge. Dans le textile de base, des filières entières ont presque totalement disparu. La crise du secteur du textile est un révélateur des difficultés de l'ensemble de l'industrie algérienne. Ce secteur particulier a été, plus que d'autres, objet de bouleversements importants et cumule toujours aussi bien les problèmes nés des choix d'une politique industrielle ancienne qui a consommé son échec que des incohérences d'un contexte économique nouveau marqué notamment par une ouverture commerciale mal maîtrisée. Les entreprises algériennes des textiles et cuir détiennent moins de 10% du marché algérien, évalué à deux milliards de dollars en 2010. Intervenant récemment sur une chaîne de la Radio nationale, Omar Takdjout, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et du cuir (FNTTC), affiliée à l'Union générale des travailleurs algériens, a, encore une fois, tiré la sonnette d'alarme pour dénoncer cette situation qui frise la faillite et sauver un secteur qui n'emploie plus que 15 000 salariés contre pas de moins de 200 000 il y a vingt ans. Le secteur du textile et du cuir avait réalisé, en 2009, un chiffre d'affaires de 26,4 milliards de dinars et prévoit de le porter à 38,5 milliards de dinars en 2014 grâce au plan de relance, soit un taux de progression annuel de 10%. Le secteur public est représenté par deux groupes industriels, Texmaco, spécialisé dans le tissu de base, regroupant 25 filiales, et C&H, qui regroupe 15 filiales. Les deux groupes représentent 75% du marché national du textile et emploient plus de 15 000 travailleurs. Les 15% restants sont détenus par le secteur privé.