“Je suis très peiné d'entendre une telle décision. Cela va inciter les autres, ceux qui ont l'habitude d'importer du textile, du fil à aller de l'avant. Conséquence : la fermeture des usines en activité dans notre pays.” Déconcerté, Amar Takdjout, secrétaire général de la fédération du textile, n'a pas caché sa déception quant à la décision prise par les députés d'apporter un amendement à la loi de finances complémentaire 2011, autorisant de nouveau l'importation de la friperie. Cette curieuse mesure va à l'encontre de la volonté du gouvernement de relancer l'industrie nationale du textile pour laquelle il a consacré une enveloppe de 2 milliards de dollars sous forme d'aide. Une partie de ce montant sera utilisée pour racheter les dettes mirobolantes des entreprises concernées, mais aussi pour le renouvellement de l'outil de production et la mise à niveau d'une industrie au bord du précipice. Le Trésor public prendra donc en charge la dette fiscale dont le montant dépasse les 1 342 millions de dinars ainsi que la dette dite d'investissement, contractée auprès de la Banque centrale d'Algérie, estimée à 2 506 millions dinars et le découvert bancaire enregistré auprès de la même institution financière évalué à 33 039 millions de dinars. Au-delà du risque que la friperie présente sur la santé publique, certains estiment que les 13 millions de dollars, destinés annuellement à l'importation de fripe, devraient aller à la réhabilitation de l'industrie du cuir et des textiles. Les entreprises nationales subissent le dérèglement du marché local, la concurrence déloyale et l'importation tous azimuts d'une manière anarchique. À cela, il y a lieu d'ajouter l'informel qui a tué l'industrie du textile en Algérie. Pourtant, une certaine évolution en matière de production s'est fait ressentir grâce aux décisions prises par les pouvoirs publics, notamment la loi de finances complémentaire de 2009 qui interdisait l'importation de la friperie. Cette mesure commençait à apporter l'appui nécessaire pour la protection de la production nationale. Les mesures contenues dans la LFC ont eu un impact positif car elles favorisaient la production nationale à l'exportation. Chose qui incitait les entreprises nationales à reprendre leur activité ainsi que leurs parts de marché. Toutefois, comment peut-on encourager la production locale tout en facilitant l'introduction de ces produits de friperie sur le marché national ? La contradiction est flagrante. Ce qui a irrité Amar Takdjout qui demande le retrait de ce texte permettant cette importation. Mieux, il envisage de faire appel aux travailleurs pour des actions de manifestation dans le but de défendre les intérêts de leur usine. Le SG de la fédération s'inquiète du manque d'enthousiasme et des tergiversations des autorités pour relancer un secteur décimé par la concurrence asiatique et la friperie. “Il faut aller plus loin, dit-il, notamment pour les marchés publics pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le pays depuis vingt ans”, propose-t-il. Il a souligné que l'importation crée du chômage dans notre pays. Or, si les Algériens sont absents de leur marché, il sera dominé par les Chinois, les Turcs, les Syriens, les Marocains et les Tunisiens. Il avoue que la situation du secteur des textiles n'est pas due aux effets du marché, mais à la mauvaise politique menée depuis vingt ans, aggravée par la situation sécuritaire. D'aucuns pensaient que l'interdiction de l'importation de la friperie ne serait pas levée de sitôt. Pour le ministère du Commerce, tant que l'activité n'est pas régulée et le contrôle de la marchandise non maîtrisé, la relance des importations en la matière ne sera pas envisagée. Une mesure que la Fédération du textile (UGTA) avait appuyée, tout en appelant à l'encouragement de la production locale afin d'éviter l'importation de vêtements de pays européens et asiatiques.