Ben Ali sera prochainement jugé par un tribunal militaire pour conspiration contre l'Etat, torture et homicide volontaire, des accusations en lien avec la féroce répression qui s'est abattue sur les manifestants durant les quatre semaines de soulèvement populaire. Une répression qui a fait près de 300 morts, mais dont l'ancien président nie la responsabilité. “Je n'ai jamais donné l'ordre de tirer à balles réelles”, s'est-il déjà défendu par la voix de son avocat. Il encourt la peine capitale. Il reste que les Tunisiens attendent avec impatience ce procès de l'ex-président tunisien devant la juridiction militaire avec l'espoir que l'armée corrigera la mascarade judiciaire du tribunal civil de Tunis qui a condamné en une seule journée de procès l'ex-président, sans procès ni témoins. Les familles de victimes de la répression de Ben Ali n'auront cependant pas le droit de se constituer partie civile devant la juridiction militaire et leurs avocats ne savent pas s'ils auront le droit de plaider, tout comme ceux des accusés. Déjà sans l'accusé réfugié en Arabie Saoudite, et sans plaidoirie, les prochains procès du tyran de Tunis risquent comme celui de lundi de décevoir les Tunisiens. Un verdict sans accusé, mais qui se défend à distance. Ben Ali envoie, en effet, des messages de son exil doré et promet de faire tout pour éviter la condamnation à 35 ans de prison prononcée lundi. Le dictateur Ben Ali et son épouse ont également été condamnés à une forte amende pour avoir détourné de l'argent. Le verdict de son premier procès a été accueilli dans l'indifférence en Tunisie, aucune explosion de joie, pas même un petit concert de klaxons dans les rues de Tunis ce lundi soir. Les avocats de la défense, eux, dénoncent “une parodie de justice”. Dès le début de l'audience, ils avaient demandé un report pour pouvoir se préparer et “garantir une justice aussi équitable que possible”. Ils ne l'ont pas obtenu, en tout cas dans la première affaire hier. Ils estimaient ne pas avoir eu le temps de se préparer puisque les 5 avocats ont tous été commis d'office trois jours avant le début du procès. Tout s'est passé comme si les autorités de transition étaient pressées de fermer la longue parenthèse de Ben Ali, vingt-trois, ans ! Au tribunal de Tunis, tout est allé très vite avec une décision de justice tombée en quelques heures à peine, dès le premier jour, un scénario que craignaient, par ailleurs, de nombreux militants des droits de l'homme, anciens opposants à Ben Ali qui ne se sont pas crédules sur les manigances autour de la Tunisie post-Ben Ali. Pas du tout en raison d'une soudaine compassion pour l'ancien dictateur, mais simplement pour ne pas lui offrir un argument de plus : celui d'une justice expéditive, peu crédible, lui qui de son exil saoudien dénonce toutes les accusations portées contre lui. Il reste que cette première condamnation est tout de même symbolique. C'est la première fois qu'un dirigeant arabe rend compte de sa gestion devant un tribunal. En outre, l'ancien président tunisien est loin d'en avoir fini avec la justice de son pays. Normalement, le verdict de lundi serait le début d'une longue procédure judiciaire contre lui et son clan. L'ancien président est impliqué dans environ 182 affaires, le chiffre évolue assez souvent. Il doit répondre de plus de 90 chefs d'accusation devant des juridictions civiles mais aussi militaires. Certains de ces chefs sont passibles de la peine de mort, il s'agit des nombreux martyrs de la révolution tombés sous les balles des forces de l'ordre pendant la révolution. En tout cas, l'armée a promis l'ouverture prochaine de son procès et rendez-vous judiciaire est fixé au 30 juin pour l'affaire du palais de Carthage que le tribunal civil de Tunis a accepté de reporter. C'est une affaire de détention d'armes et de drogues retrouvées dans un palais présidentiel. Et puis, il y a aussi les procédures contre le clan Ben Ali-Trabelsi, une famille tentaculaire, environ 150 membres par filiation ou par alliance. La justice tunisienne les incrimine presque tous dans de nombreuses affaires, près d'une centaine en tout qui sont toujours pour la plupart en cours d'investigation. Mais pour être crédible, la poursuite de ses procès ne devront pas laisser le goût amer de lundi chez ceux qui rêvaient de voir l'ex-président répondre de ses actes en personne, et des actes les plus graves qui lui sont reprochés. La justice militaire, estiment les acteurs de la Révolution du jasmin, ne devrait rectifier le tir.