La régulation du marché touche toutes les composantes du marché, notamment le marché boursier, la concurrence, la détermination des prix, les emplois, les relations industrielles. Cette régulation doit se faire en concertation avec tous les acteurs concernés notamment les employés, les consommateurs ou les clients et les entreprises. Les stratégies des acteurs concernés doivent veiller à la compétitivité des entreprises. * Il faut que les mécanismes d'aide à l'économie soient orientés vers le bon fonctionnement des entreprises du pays et le renforcement de leurs capacités concurrentielles. Aucune aide n'est nécessaire lorsque le marché fonctionne convenablement. Les entreprises, qui échouent, contribuent à la santé du corps économique de la nation. Mais le marché national est en interaction avec d'autres marchés avec les marchés mondiaux. Dans ce cas, le fonctionnement des régulations étrangères peut être préjudiciable aux entreprises nationales. Il faut, dans ce cas, veiller à protéger les entreprises nationales des abus et des erreurs des acteurs internationaux. Lorsque les règles sont normales et les entreprises nationales ont été préparées à leur application, alors aucune aide n'est nécessaire, mais l'expérience montre que les entreprises de chaque pays poursuivant leurs intérêts et ceux des citoyens du pays d'origine peuvent entreprendre des actions à la limite des règles admises. La vigilance de l'Etat et des partenaires économiques et sociaux permet d'éviter le pire, notamment la destruction des entreprises nationales. Pour éviter les effets dommageables de la liberté sur les individus les plus fragiles, l'Etat a aussi comme mission de fournir un filet aux personnes et aux communautés locales les plus fragiles. 3- Il faut remettre en selle les willayas et les municipalités. Leurs missions principales doit être économique. Créer de l'emploi, générer de la richesse, doivent devenir leurs préoccupations quotidiennes. Elles doivent recevoir rapidement les ressources nécessaires au suivi et à l'encouragement des activités économiques. Elles doivent aussi être jugées sur leurs performances. La compétition entre willayas et entre municipalités devrait, avec le temps, apporter les améliorations dans le savoir-faire managérial et ultimement dans le bien-être des citoyens. La réalisation de chacun de ces objectifs nécessite des ressources, des compétences particulières. Les différents services de l'Etat ont comme mission de construire ou reconstruire le système requis en collaboration avec les entreprises et avec les organisations territoriales décentralisées. Les décisions les plus importantes sont donc simples. Il faut enlever l'Etat actuel du chemin de la création de richesse. Il faut reconstruire l'Etat central qui aide la construction de richesses. Dans le changement qui est requis, la première étape est d'indiquer clairement que l'objectif est économique et l'imposer à tous les acteurs. Il faut ensuite inciter tous les organismes de l'Etat à se repenser pour aider l'entreprise. Entre-temps, il faut laisser faire et protéger les plus démunis. L'action sociale, pour donner la main à ceux que l'action économique des entreprises fragilise, est une condition nécessaire pour l'équilibre de la société. Il ne faut, cependant, pas exagérer les effets possibles de la liberté économique. Elle ne pourra qu'être bénéfique et donnera son vrai sens à la liberté politique. Avec la liberté de l'économie, il ne se passera rien de catastrophique. Au pire, certaines entreprises vont tricher, ce qui veut dire qu'elles créeront de l'emploi, de la richesse à laquelle l'Etat ne participera que partiellement. Comme la création de richesse sera plus grande, cette situation n'est pas dommageable. Progressivement, la collecte d'information sera plus précise, l'intervention de l'Etat sera plus légitime et elle sera encouragée par les acteurs eux-mêmes. Progressivement, les règles seront mieux conçues, avec l'aide de tous, et les choses s'amélioreront. Ainsi, se mettra en place le processus d'amélioration constante des réalisations de la société. Les réalisations économiques seront alors le meilleur levier pour les améliorations sociales et politiques. Les exemples de l'Asie du Sud-Est parlent fort. En guise de conclusion… Les grands débats en Algérie ont souvent abouti à de grandes chartes qui, bien que nécessaires pour guider l'action, ont vite été remisées et oubliées parce que déconnectées de la vie réelle. L'action a été souvent paralysée par des méfiances entre les acteurs, dont les origines peuvent être retracées au congrès de la Soummam. Méfiants les uns des autres, un prolongement de la méfiance qu'ils avaient de la puissance coloniale, les acteurs ont alors agi de manière autoritaire pour éliminer ou contrer les adversaires. La politique a ainsi pris le dessus sur l'action, notamment sur l'action économique. Il en est résulté un syndrome algérien particulier qui s'énonçait comme étant : “il faut régler les problèmes politiques d'abord.” Concrètement, ce syndrome rend la violence inévitable et institutionnalise la paralysie. Boumediene a été la seule période où un groupe politique a été suffisamment puissant pour s'imposer aux autres. Mais il n'a duré qu'une décennie et en fait s'est écroulé à la mort de Medeghri à la fin 1974. Tous les autres étaient des régimes paralytiques, incapables de dominer politiquement. Cinquante ans ont été ainsi consommés à vouloir vérifier une théorie fausse : “Il faut régler les problèmes politiques d'abord.” C'est comme marcher sur la tête ! En fait, on ne peut jamais régler les problèmes politiques de manière définitive. On ne peut que créer le système qui permet aux différentes forces politiques d'interagir et de modifier les répartitions économiques en fonction des intérêts en présence. Le plus important est de réduire l'intensité du jeu politique en facilitant le développement de l'économie. Le seul développement économique, qui est compatible avec un jeu politique fractionné ou fracturé est celui qui est ouvert, basé sur des règles claires et applicables à tous. Les sociétés humaines n'ont pas trouvé mieux que le marché pour cela. Le marché a de plus le mérite de faciliter la coordination en situation de complexité. Donc, le changement le plus important pour l'Algérie est celui qui doit amener la libération de l'économie. L'accroissement de la richesse simplifiera le jeu politique et le civilisera. Pour notre survie, il faut donc d'abord libérer l'économie. Il faut nous mobiliser tous pour ce grand objectif. Le premier grand adversaire est notre façon de penser. Cinquante ans d'erreur, ça suffit ! Il faut nous convaincre qu'il n'y a pas d'autre choix. Le deuxième grand adversaire est l'appareil de l'Etat. Il faut l'empêcher de nuire au développement de notre économie et progressivement le transformer en un appareil qui aide à la création de richesses. La force de la société civile est le meilleur garant dans cette lutte. Son renforcement prendra du temps. Le troisième grand adversaire est l'ignorance. L'économie, même libérée, est une science qui doit être partagée. Les lycées, les universités et le Cnes pourraient jouer un rôle considérable en la matière. Le quatrième grand adversaire, c'est la concurrence internationale. Le monde n'attend pas que les élites algériennes comprennent. Les concurrents feront tout pour maintenir l'Algérie dans sa situation actuelle. Finalement, le dernier adversaire c'est la politique elle-même. C'est là que les discours actuels sont vrais. Les groupes qui gagnent actuellement sont myopes. Ils croient que la poule aux œufs d'or continuera à pondre. Ils vont donc tout faire pour empêcher la libération de l'économie. Libérer l'économie est simple à dire. Mais une fois qu'on aura décidé cela, les épreuves commenceront. Mais là, nous aurons au moins le mérite de travailler sur la bonne sculpture. T. H. (*) professeur en stratégie à HEC Montréal • Ce paragraphe s'intègre dans la partie dont un pan a été publié dans la première partie parue dans le supplément économique le 29 juin en page 14 : “Les problèmes d'un pays neuf sont d'abord économiques pas politiques.” Dans le premier point, l'auteur de la contribution développe l'idée suivante : il faut libérer les énergies des populations en ouvrant le champ économique. Dans le second point où s'intègre l'exergue et le début du texte de la seconde partie de la contribution, Taïeb Hafsi aborde le rôle de la régulation.