Alors que les partisans du boycott guettaient hier l'affluence des électeurs autour des bureaux de vote, au Palais royal on se préparait à célébrer la victoire et l'avènement d'une nouvelle Constitution taillée sur mesure pour le roi. Le scrutin pour le référendum constitutionnel au Maroc a débuté hier dans les 40 000 bureaux de vote répartis sur l'ensemble du territoire marocain. L'opération de vote a débuté à 8h pour prendre fin à 19h précises. D'après le ministre marocain de l'intérieur, le corps électoral s'élève à 13 106 948 électeurs inscrits sur les listes électorales. Mais selon le quotidien Assabah, ce chiffre pourrait même avoisiner les vingt millions d'électeurs si l'on y rajoute les sept millions d'hommes en armes et les Marocains résidant à l'étranger. Il faut dire que les autorités marocaines n'ont pas lésinés sur les grands moyens afin d'amener la population à participer au scrutin et bien sûr à voter oui pour le projet du roi. Une agitation qui n'est pas sans rappeler chez nous nos grandes messes électorales. Les imams, les associations professionnelles, les entreprises économiques à l'image du port de Casablanca ou encore d'une célèbre piscine huppé de la corniche n'ont pas fait mystère de leur adhésion au projet royal. Même les bouibouis ont demandé à voter oui ! C'est dire que cette consultation populaire a été présentée de manière à ce que le taux de participation au référendum soit l'unique enjeu du scrutin. Dès lors, l'adoption du texte proposé ne pouvait être qu'une pure formalité. Les Algériens, rompus à ce genre d'exercice, connaissent, eux, bien ça. Et pour cause ! Les ingrédients sont les mêmes. Ainsi, les partis au “pouvoir” se sont mis de la partie en appelant, à qui mieux-mieux, les électeurs à voter oui. Pour mieux convaincre, les partis politiques tels le Parti islamiste justice et développement (PJD), l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et l'Istiqlal se sont fondus dans une sacro-sainte alliance avec le makhzen. Du pain béni pour le palais royal. Et si dans les médias audiovisuels, le pluralisme et l'expression des différents courants de pensée et d'opinion ont été assez garantis, il n'en a pas été de même dans la presse écrite qui a joué, à l'occasion de cette campagne référendaire, un jeu pour le moins étonnant. La plupart des unes de journaux ont appelés explicitement les électeurs marocains à adopter la nouvelle loi fondamentale alors que dans leurs pages intérieures on y parle, sans ambages, de tabassages et de “baltagias” grassement rémunérés. Loin de baisser les bras, les partisans du boycott, appelés sarcastiquement par l'hebdomadaire Tel Quel “Hizboulla” (le parti du non) à l'instar du Mouvement du 20 février, du Parti socialiste unifié (PSU), du Parti de l'avant-garde démocratique et socialiste (PADS), du Conseil national Ittihadi (CNI) et de la Voie démocratique la confédération démocratique des travailleurs (CDT), seule centrale syndicale à dire non au projet de réforme, continuaient, jusqu'à hier, à revendiquer des changements politiques conséquents. Le “smic” exigé pour cette opposition serait la consécration d'une monarchie parlementaire et non pas la monarchie constitutionnelle envisagée par le roi. Pourtant, le projet constitutionnel de M6 vient rompre singulièrement avec l'absolutisme qu'a connu le Maroc sous le règne de son défunt père Hassan II. La nouvelle Constitution garantit, en effet, davantage de droits fondamentaux et de libertés aux Marocains. D'une certaine manière, le nouveau texte vient consolider l'édifice démocratique initié par le jeune roi dés son avènement au trône. Ceci dit, après douze ans de règne et de promulgation de lois toutes aussi modernes les unes que les autres, nombre de marocains restent à ce jour sceptiques quant à l'application effective de ces textes. L'officialisation du tamazight, la régionalisation ou encore l'égalité des sexes prévus par la nouvelle Constitution sont assurément des points positifs mais le roi n'aura cédé quasiment en rien sur ses prérogatives. Pour beaucoup de Marocains c'est surtout le mouvement contestataire du 20 Février qui est à l'origine des “concessions” accordées. De ce point de vue “partisan”, le train de réformes politiques et institutionnelles proposé par le monarque chérifien serait le résultat des revendications exprimées par la rue qui, elle, refuse de lâcher prise préférant que le roi continue à lâcher du lest.