Résumé : Yemma Zouina et Fatiha s'étaient rendues chez Na Aldjia pour présenter leurs condoléances à la famille. Mais elles ne s'étaient pas senties à l'aise, car les commérages allaient bon train à leur encontre et les femmes les désignaient du doigt. L'affaire de Ghenima avait ébranlé les villageois. Qu'en sera-t-il lorqu'on saura que la jeune fille a fugué ? Zineb les attendait anxieusement. Elle craignait que Mokrane ne se réveille avant leur retour. Mais ce dernier semblait bien parti pour un bon moment. Il n'avait même pas changé de position sur sa couche, et Zineb avait ramené les enfants dans la grande salle. Aghiles s'était réveillé et avait demandé après sa maman, puis après Ghenima. Zineb lui avait donné un bout de galette et l'avait rassuré. À ce moment précis, Fatiha revint et prit son fils dans ses bras pour le serrer contre elle. Mohand affichait une mine triste. Bien sûr vu l'événement du décès de sa mère, cela ne pouvait pas étonner. Seulement ce matin quand on est venu le chercher dans son atelier, il s'était rendu compte de l'absence de Ghenima. Le vieux tapis sur laquelle elle avait passé la nuit était soigneusement roulé et remis à sa place et le feu s'était éteint. Où était donc passée Ghenima ? Lounès était venu lui annoncer la nouvelle du décès et l'avait aidé à marcher. Ils avaient tous les deux difficilement escaladé le sentier, et Mohand malgré ses blessures, avait tenu à demeurer au seuil de la porte pour recevoir les gens et les condoléances des villageois. Quelqu'un était descendu très tôt en ville pour télégraphier à son père et à son frère. Ces derniers avaient fait savoir tout de suite par un autre télégramme qu'ils allaient arriver le soir même. Prenant les choses en main, Mohand, informa la famille et les proches que l'enterrement de sa pauvre mère n'aura lieu que le lendemain. Le jeune homme était pris entre deux feux. D'un côté, la mort de sa maternelle, qu'il affectionnait particulièrement, l'avait effondré. C'était pour elle d'ailleurs qu'il avait refusé de rejoindre son père et son frère sous d'autres cieux. D'un autre côté, la fuite de Ghenima – car il n'en doutait plus que s'en fut une – le laissait perplexe. Lors de leur conversation la veille, il l'avait, certes, exhortée à rentrer chez elle. Mais il ne s'attendait point à ce qu'elle prenne ainsi la clé des champs sans le prévenir. Son attitude envers elle l'avait-elle froissée au point de la pousser à le fuir lui aussi ? Certes, il était insensé pour eux de vivre dans la clandestinité. Ghenima était officiellement mariée, qu'on le veuille ou non, elle était légitimement liée à Aïssa. Mais ne lui avait-il pas donné assez de preuves sur son amour pour elle en allant le provoquer chez-lui ? Ne l'a-t-on pas assez “arrangé” ainsi… ? Il passe une main sur son ventre et sentit ses muscles se contracter. La douleur se réveillait et il arrivait à peine à garder un air serein. La fièvre le reprenait et sa jambe tiraillait. Il laisse sa tête retomber sur son torse et allonge sa jambe devant lui. Quelqu'un vint lui toucher l'épaule dans un geste de compassion : - Courage jeune homme, on passe tous par là… Mohand hoche la tête, mais ne sut jamais qui était la personne qui lui avait parlé. Ses idées s'embrouillaient. Il avait vu tout à l'heure Na Zouina et Fatiha passer… Mais ça aurait été déplacé de sa part, et dans de telles circonstances, de les approcher et de leur demander des nouvelles de Ghenima. Tout le village connaissait maintenant ses intentions envers la jeune fille. Ne va-t-on pas le soupçonner en cas de fugue ? Et puis qui lui dit que Ghenima n'était pas tout bonnement retournée chez-elle ? (A suivre) Y. H.