Résumé : Fatiha apprend par des voisines que Na Aldjia, la mère de Mohand, venait de rendre l'âme. Ces dernières savaient aussi que la main de Ghenima venait d'être accordée à Aïssa. Fatiha est perplexe. Les femmes firent des commentaires acerbes à ce sujet. Yemma Zouina, elle, est soulagée d'apprendre que ce n'est pas sa fille qui venait de mourir. Fatiha se dit que sa belle-mère a dû perdre la raison. Car telles qu'en soient les circonstances, et la personne, la mort est toujours une chose amère et triste. - On devrait se rendre auprès de sa famille pour les condoléances. - Oui. Malgré tout Na Aldjia était une femme qui avait marqué son temps. Elle était si brave, si généreuse et si serviable avec tout le monde. - Que Dieu ait son âme. Mais je ne pense pas qu'on va l'enterrer de si tôt, dit Zineb. - Pourquoi donc ? - Eh bien son mari et son fils devraient rentrer peut-être de France pour un dernier hommage. - Oui. Mais… les a-t-on informés à temps ? - Je n'en sais rien dit Fatiha. Je ne voulais pas trop m'attarder à discuter avec ces femmes curieuses, qui sont venues me narguer devant la porte. Elles ont appris pour le mariage de Ghenima et… Yemma Zouina sursaute : - Elles savent aussi pour la fugue ? - Non. Tes cris et tes sanglots les avaient ameutées. Mais le décès de Na Aldjia les a persuadées que les pleurs venaient de chez elle et non de chez-nous. Yemma Zouina se lève : - Je m'en doutais un peu. Ces femmes de malheur n'attendent que ça pour alimenter leurs conversations. Kaci a dû apprendre la nouvelle, il est descendu au village. - Ne va-t-il pas propager la nouvelle… Heu… Je veux parler de Ghenima bien sûr. - Mal lui en apprendra. Je ne pense pas. Il est assez ébranlé comme ça. Et je suis certaine qu'il évitera Aïssa afin de ne pas avoir à dévoiler le secret. - Bien. Qu'allons-nous faire maintenant ? - Euh... nous allons rendre chez Na Aldjia pour présenter nos condoléances. Tu vas m'accompagner Fatiha, et toi Zineb tu t'y rendras dans la soirée. Tu devrais rester sur place. Ton mari pourra émerger de son état d'un moment à l'autre, et puis il y a aussi les enfants, il faut bien que quelqu'un reste avec eux. Zineb hoche la tête : - Je vais rester ici, mais ne tardez pas trop toutes les deux. Vous savez bien que j'ai une peur bleue de Mokrane quant il est dans cet état. Fatiha et sa belle mère mettent chacune d'elles une fouta sur leur tête et se rendirent chez la défunte. En cours de route, elles rencontrèrent des femmes qui y revenaient et apprirent que l'enterrement n'aura lieu que le lendemain, car Yahia et Amar allaient rentrer de France le soir même. Les deux femmes se présentèrent auprès de la famille de Na Aldjia et restèrent un moment à se recueillirent devant sa dépouille. La vieille femme semblait si sereine dans son sommeil éternel. Après tant de souffrances, Dieu a enfin consenti à exaucer ses prières. Fatiha entendit des femmes chuchoter dans son dos, en lui jetant à elle et à sa belle-mère des regards de reproche. On dirait que le monde s'est écroulé. L'affaire de Ghenima ne passait pas facilement dans les esprits. Qu'a donc bien pu faire Ghenima pour mériter un tel sort ? Des femmes parlaient en les montrant du doigt. Fatiha n'en pouvait plus. Elle tire sa belle-mère par le bras et lui indique d'un mouvement de sa tête qu'il était temps de partir. Zouina comprit. Elle se lève et suit sa belle-fille sans un mot. On n'avait plus intérêt à se montrer en public ou à tarder dans un endroit où les commérages allaient bon train. Qu'allait-il donc se passer lorsque ces femmes apprendront que Ghenima était partie ? Elles revinrent la tête basse et le cœur triste. Da Kaci les a tous roulés dans la boue. Fini les temps où elles pouvaient redresser leurs têtes fièrement devant tout le monde. (À suivre) Y. H.