Résumé : Fatiha est triste de voir son mari partir sans aucune assurance sur la destination de sa sœur. Mais elle lui promet de garder le secret jusqu'à son retour. Un ultimatum de deux jours est lancé. La jeune femme allait refermer la porte d'entrée, lorsqu'elle se retrouve face à des voisines. Une des plus vieilles se hasarde : - Nous avons entendus des cris ce matin… Des sanglots… Nous avons alors cru que quelque chose était arrivée chez vous. Mais voilà que nous venons d'apprendre que les cris parvenaient de l'autre côté du sentier. C'était Na Aldjia la mère de Mohand qui a rendu son âme. - Na Aldjia est décédée ? - Oui. Aux premières heures de la matinée. Que Dieu ait son âme. Fatiha se sentit d'un coup toute triste. Pauvre Mohand, après le coup de Ghenima, voilà qu'un autre malheur s'abat sur lui. - Euh… Nous avons aussi su pour Ghenima, lance une autre femme les lèvres pincées. - Hein… ? s'exclame Fatiha qui sentit son cœur battre la chamade. - Oui, reprit une jeune femme, nous avons appris pour son mariage avec Aïssa. Fatiha pousse un soupire. Ce n'était donc pas de la fugue dont on lui parlait. Elle hoche la tête : - Son père l'a décidé, nous n'y pouvons rien. - C'est bien ingrat de sa part d'accorder la main d'une jeune et belle fille comme Ghenima à un vieillard qui ne devrait plus attendre de la vie que le jour de son enterrement. Ne voulant pas donner matière à discussion, Fatiha hausse les épaules : - C'est le destin… - Oh là-dessus je ne suis pas d'accord, reprit la vieille femme. Certes, le destin trace nos vies, mais je crois que cette fois-ci il a faussé ses calculs. Quelques femmes rirent, et Fatiha jugeant que le moment n'était pas propice à une telle hilarité, préféra se retirer en refermant la porte derrière elle. Elle devrait tout de même annoncer au reste de la famille que Na Aldjia n'était plus de ce monde. Pauvre femme, elle avait tant souffert de la maladie durant de longues années, que quelque part, on devrait se sentir soulagé pour elle. La mort la délivre enfin de tous ses maux. Elle se rendit dans la grande salle et constate que Da Kaci n'était plus là. Seules Zineb et Yemma Zouina, qui se réchauffaient devant l'âtre, l'interrogèrent des yeux. - Belkacem est parti à la recherche de sa sœur, lance Fatiha. Yemma Zouina hoche la tête d'un air désolé : - Où va-t-il donc la trouver ? Sait-il au moins quelle direction elle avait prise ? - Il pense avoir une idée de l'endroit où elle se trouve. Mais il ne voulait pas m'en dire plus. En attendant son retour, nous devrions prendre notre mal en patience. Il m'a demandé de vous dire qu'il est inutile d'informer qui que ce soit sur son cas. Ni Aïssa ni personne d'autre. Je pense qu'il parlait aussi de Mokrane. Zineb acquiesce : - Il a raison. Mokrane est tellement impulsif, qu'on ne sait pas comment il va réagir. Une chose est certaine. Il n'hésitera pas à descendre au village pour crier sur tous les toits que sa sœur a fugué et que quiconque la retrouvera, devrait la lui ramener morte ou vive. Dans ce dernier cas, il l'égorgera sans état d'âme pour laver l'affront. Yemma Zouina se met à se lamenter : - Et dire que tout ça est la faute de son père. - Cela ne sert plus à rien de ressasser les choses. Euh… Na Aldjia est décédée. Yemma Zouina demeure bouche bée un moment avant de lancer : - C'est pour cela que j'ai entendu un hibou lancer son cri lugubre dans la nuit. Dieu soit loué, ce n'est pas Ghenima qu'on a retrouvée morte. (À suivre) Y. H.