Le nouvel ordre mondial, marqué notamment par l'irruption de puissances émergeantes (Chine, Mexique, Brésil…) sur la scène économique, politique et diplomatique internationale, n'a pas encore fini de se reconfigurer stratégiquement que le monde arabe vient à son tour de connaître des soubresauts qualitatifs à travers les admirables mouvements pour le changement et l'instauration de la démocratie, portés courageusement par les jeunesses tunisienne, égyptienne, yéménite et libyenne contre la tyrannie de leurs despotes. Dans ce contexte mouvementé et porteur de lourdes menaces sur la paix et la stabilité internationale et régionale, l'Algérie s'apprête à entamer le cinquantième anniversaire de son indépendance après avoir mené victorieusement, l'une des guerres les plus terribles contre le colonialisme français pour son émancipation politique, sociale et économique. Les données endogènes, la gestion économique débridée, irrationnelle, au contenu purement mercantile et spéculatif - entre 1980 et 1990- avec une destruction insensée de la base économique, à travers, notamment, la fameuse restructuration des entreprises, conjuguée à la chute brutale des revenus des hydrocarbures et à la pression autoritariste du pouvoir de l'époque sur la société, ont abouti à l'explosion d'octobre 1988 et à l'adoption de la Constitution de 1989, ouvrant ainsi la voie au pluralisme, à l'alternance au pouvoir et à l'émergence des réformes économiques. La chute du mur de Berlin a annoncé la fin du bloc socialiste et l'affirmation du libéralisme comme mode de gestion privilégié des sociétés humaines. Dans ce double contexte, porteur de bouleversements planétaires majeurs, l'Algérie, au bord de l'asphyxie financière, allait connaître l'une des périodes les plus dramatiques de son histoire contemporaine (terrorisme, ajustement structurel douloureux, isolement diplomatique…). Les années 2000-2010 sont marquées par l'avènement du pouvoir actuel. Le rétablissement de la situation sécuritaire grâce à la lutte des forces de sécurité et à la mobilisation des citoyens, le retour de l'Algérie sur la scène internationale, la reconstitution des réserves de change et le désendettement anticipé grâce à l'embellie pétrolière, le lancement de grands projets de réalisation des infrastructures de base, la mise en œuvre de programmes ambitieux de logements, tels sont notamment, les chantiers réalisés dans le cadre des programmes quinquennaux qui ont nécessité plus de 400 milliards de dollars. Ce sont là des avancées indéniablement positives. De grands questionnements se posent notamment autour de la stratégie économique. Il reste que de grands questionnements s'imposent autour du mode de gouvernance, de la gestion de la sphère microéconomique, du manque de lisibilité ainsi que des hésitations dans la politique macroéconomique d'ensemble et, enfin, des lenteurs mises dans l'application des réformes. Les balbutiements d'un retour vers le patriotisme économique, par la prise de mesures de sauvegarde à travers, notamment, la loi de finances complémentaire 2009, a mis à nu les contradictions entre le capital productif national privé et public d'une part, et les tenants de la rente et de la spéculation d'autre part. Ces derniers maintiennent leur pression à travers le développement inconsidéré du secteur informel, aidé en cela par les atermoiements de l'Etat. Dans ce contexte de crispation politique et économique, l'éclatement de scandales successifs, notamment dans le secteur des hydrocarbures, jette le discrédit sur le mode de gouvernance et la stratégie à long terme de la gestion rationnelle de nos ressources énergétiques et de celle de l'économie nationale de façon générale. Par ailleurs, le faible taux de productivité de l'appareil de production nationale, les contraintes objectives de financement des opérateurs privés marginalisés, objet de méfiance et frappés d'ostracisme par certains centres de décision, la faible performance des entreprises publiques économiques en dépit des mesures de redressement prises en leur faveur, nourrissent le scepticisme des observateurs politiques quant à la capacité des gouvernants à préconiser des réformes en profondeur pour préparer l'après-pétrole. Faut-il rappeler que le secteur industriel, aujourd'hui, ne participe qu'autour de 6% à la formation du PIB aujourd'hui, contre 12% dans les années 1980. De telles réformes ne peuvent évidemment pas se limiter à la seule sphère économique. Elles doivent englober tous les segments de la vie politique, sociale et culturelle. Au-delà de l'importance de l'enveloppe financière qui est consacrée à la consolidation de la relance économique à l'horizon 2014, ce sera à l'aune de l'ouverture authentiquement démocratique que la crédibilité du pouvoir se jouera et que l'avenir de l'Algérie dans le concert des nations émergentes se déterminera.