Attentives aux remous des genèses, mais aussi soucieuses d'analyser les structures alambiquées du présent, mes chroniques ont donné naissance à de nombreux énoncés qui relèvent autant de l'ethnomusicologie que de l'esthétique, de l'anthropologie ou de la sociologie culturelle. Patiemment, elles ont toujours battu en brèche les idées reçues et les manifestations des intolérances, de tous les dogmatismes qu'ils soient religieux, politiques ou le simple fait de la bêtise humaine. A fortiori lorsqu'il s'agit de ma passion première, la musique classique algérienne que je porte en moi grâce à mes réminiscences andalouses. Une expression artistique que d'aucuns, allant vite en besogne et sûrement par ignorance, ont vite fait de vouer aux gémonies au même titre que la citadinité alors qu'elle est le patrimoine de tout un peuple fort de sa ruralité, de sa bédouinité et de son urbanité. J'ai toujours prêté une oreille attentive aux discours des grands maîtres du genre comme à ceux du mouvement associatif plus déterminé que jamais à faire en sorte que le patrimoine musical traditionnel soit immortalisé à jamais. Protéiforme, générée par de nombreuses influences reconnues ou occultes, la musique classique algérienne dite andalouse soulève à chaque fois d'épineuses questions que seule une vaste culture permet d'appréhender et de traiter. Souvent décriée, car injustement assimilée par certains idéologues et marchands de modes au passé trépassé des cours andalouses et maghrébines, elle est la victime expiatoire de certains milieux aux idées surannées véhiculant un argumentaire abscons dont la mission a toujours consisté à diaboliser ce patrimoine auprès de notre jeunesse sous le prétexte fallacieux que la Révolution nationale n'a été que d'essence paysanne. À ceux qui ont tendance à prendre des raccourcis, je dirai tout simplement que cette œuvre de mystiques et de libertins, s'il est permis de paraphraser ainsi le musicologue Christian Poché, a su braver les siècles et défier l'événementiel, tirant son miel des accidents de l'Histoire et des flux irrépressibles. Une œuvre aux frontières de la magie et de la foi tant elle prospère encore sous des formes anciennes ou grâce à d'audacieux arrangements. Une œuvre qui charme, émeut et suscite indiscutablement une attention toute particulière du ministère de la Culture. Témoins, les nombreux festivals qui lui sont dédiés à l'image de celui de musique ancienne de Tlemcen ou de celui du malouf abrité par l'antique Cirta. Une place donc, et non des moindres, est accordée bon an mal an à cette immense ode de l'absence, à quelques fragments des Andalousies perdues mais ressuscitées à jamais par nos mémoires grâce au témoin transmis par ces baliseurs du désert que sont justement maîtres et associations, et ce, depuis la chute de Cordoue, donc bien avant celle de Grenade. L'organisation de ces escales est accueillie avec une très grande satisfaction et autant de fierté par notre pays. Un événement des plus salutaires, en ce sens qu'il existe des urgences, des enjeux au plan scientifique surtout que, parallèlement au chant choral, des colloques à la dimension scientifique avérée y sont favorisés. Et des acquisitions d'archives sonores et de manuscrits ayant appartenu à des maîtres définitivement versées au domaine public grâce à une initiative de Khalida Toumi qui semble faire de cette juste réappropriation sa préoccupation cardinale. Sauver le patrimoine musical de la déchéance et de l'oubli et faire voler en éclats la mise sous séquestre de la mémoire musicale commune telle est, désormais, la mission expressément dévolue à ses services. La récente construction de la maison de l'Andalou à Tlemcen, la décision de doter Constantine d'un Institut supérieur du malouf et l'indispensable redéfinition de la mission de l'Institut national de musique d'Alger procèdent de la même logique qui milite, on s'en doute, pour l'émergence d'une véritable stratégie. D'une émancipation scientifique et technique qui se doit d'être le passage obligé, la seule partition en termes décodés, des institutions officielles de cette dimension. A. M. [email protected]