“Rendre le journaliste auteur d'un écrit incriminé, seul responsable pénalement, relève de l'irresponsabilité et d'une désespérante méconnaissance des règles élémentaires qui régissent le métier”, estime le SNJ. Comme il fallait s'y attendre, le projet de loi modifiant et complétant le code pénal d'avril 2001, adopté par l'APN, n'est guère de nature à convaincre la famille de la presse algérienne. Encore moins le Syndicat national des journalistes, (SNJ), lequel a d'ailleurs anticipé de mettre en garde contre “tout excès d'euphorie” dès l'annonce présidentielle de la dépénalisation des délits de presse, faite dans la foulée de “profondes” réformes annoncées par Bouteflika dans son discours du 15 avril dernier. Une dépénalisation, juge le SNJ, qui ne sera jamais effective, tant qu'“en l'état actuel du processus institutionnel pris par le décret présidentiel, non seulement la pénalisation des délits de presse y demeure, mais l'on s'achemine tout droit vers une étrangeté de plus, dans le très spécifique paysage médiatique algérien”, estime le SNJ dans un communiqué. Le constat fait, le SNJ qualifie ainsi ce projet d'amendement relatif à la dépénalisation du délit prévoyant de fortes amendes à l'encontre des journalistes en cas d'écrit incriminé, comme dicter notamment, dans les articles 144 et 146 traitant des délits de presse, de… “véritable arnaque politicojuridique”. Les amendements au code pénal adoptés dimanche dernier par l'Assemblée nationale prévoient une amende allant de 100 000 à 500 000 dinars à l'encontre de journalistes reconnus coupables d'offense et/ou de diffamation, notamment à l'encontre du chef de l'Etat. Pour le SNJ, “le maintien des amendes, à des niveaux aussi élevés équivaut, en effet, à une reconduction maquillée des peines d'emprisonnement, le journaliste ne pouvant raisonnablement s'acquitter des sommes aussi lourdes”. D'où le jugement du SNJ que les amendements apportés au code pénal n'ont pour objectif que d'“achever” ce métier. “Rendre le seul journaliste, auteur d'un écrit incriminé, responsable pénalement relève de l'irresponsabilité et d'une désespérante méconnaissance des règles les plus élémentaires qui régissent le métier”, dénonce le SNJ. “Dans la pratique, estime le SNJ, cela se traduira par le recours à tous les réflexes détestables, dont l'autocensure, les licenciements et la passivité face au devoir sacré pour tout journaliste, celui d'informer. Ce sera également une prime à l'anarchie, aucun journaliste n'acceptant pour cause d'exécuter un travail jugé risqué”. Le SNJ n'omet pas de souligner que “dans aucun pays au monde, la hiérarchie de l'entreprise médiatique n'est absoute de toute responsabilité morale, juridique et professionnelle du produit publié ou diffusé”. En ce sens qu'il interpelle “publiquement” les membres du Conseil de la nation, “dans l'espoir qu'ils sauvent l'honneur d'un Parlement définitivement décrédité, en bloquant cette loi de la honte”. Conformément aux usages, après son adoption par les députés, le projet sera soumis aux sénateurs. Tout compte fait, le SNJ réclame ainsi, “l'extraction définitive, irréversible et sans artifices d'aucun ordre que ce soit, de tout ce qui a trait à la pratique journalistique, du code pénal”. Sans jamais faire d'illusion quant aux intentions du pouvoir, le SNJ ne manque pas d'assener que ce dernier reste “génétiquement allergique à la liberté de la presse et d'expression”.