Comme il fallait s'y attendre, la corporation des journalistes n'a pas manqué de réagir contre certaines dispositions du projet de loi sur l'information, mais surtout sur la manière expéditive, voire l'improvisation qui a caractérisé l'organisation d'un simulacre de débat sur cette loi. Manifestement outré par les dispositions du projet du ministère, le président du Conseil national de l'éthique et de la déontologie, M. Zoubir Souissi, remarque d'emblée que la journée d'étude du ministère a été organisée, dans “la précipitation”. “Dans quel but ?” M. Souissi dit ne pas savoir avant de promettre une déclaration de son conseil. S'il relève quelques “avancées” dans le projet du département de Khalida Toumi, il constate néanmoins “beaucoup de reculades”. Pour le président du CNED, le texte fait la part belle au ministère puisqu'il consacre une “concentration des pouvoirs entre les mains du ministre” que notre interlocuteur assimile à un “phagocytage”. Dans le fond, Souissi ne comprend pas le fait que tous les partenaires dans la commission nationale de la carte professionnelle soient représentés par un seul délégué, pendant que le ministère s'octroie deux dont un président de la commission. Le directeur de Liberté, lui, s'interroge carrément sur l'utilité d'un code de l'information alors que “le côté répressif est pris en charge par le code pénal”. Pour M. Abrous Outoudert, ce “projet de loi organique ne vise qu'à donner une légitimité au code pénal amendé”. Il en veut pour preuve la simultanéité de la publication,via Internet, du projet de loi avec la déclaration de Bouteflika à Biskra où il a lancé des accusations contre les journaux. C'est pourquoi le directeur de Liberté dit douter de la sincérité du Président qui, selon lui, prépare le deuxième mandat via “le musellement de la presse à travers ce projet, avec la bénédiction d'une ministre naïve !” Le Syndicat national des journalistes algériens (SNJ) n'en est pas moins outré par le projet de loi sur l'information qu'il dit rejeter “dans le fond et dans la forme”. Le SG par intérim, M. Kamel Amarni, estime, en effet, “qu'on ne peut pas convoquer de manière aussi précipitée une corporation pour débattre d'un projet 48h après l'avoir balancé sur Internet”. Notre interlocuteur affirme que le SNJ a beaucoup de réserves sur ce texte, notamment “dans son aspect pénal”. M. Amarni ne s'explique pas le fait qu'on “parle de dépénalisation alors que le code pénal est en vigueur”. Le rédacteur en chef d'El Watan, quant à lui, se demande pourquoi le ministère de la Communication veut faire dans la précipitation en faisant remarquer que “les professionnels n'ont même pas eu le temps de lire attentivement le texte”. M. Fayçal Metaoui ne comprend pas qu'on veuille soumettre la création de journaux à “une autorisation préalable du ministre”. S'agissant de l'ouverture de l'audiovisuel au privé, le responsable de la rédaction d'El Watan pense que cela “n'est pas nouveau puisque la loi de 1989 le prévoyait”. Dans le même ordre d'idées, il s'interroge pourquoi on crée un conseil de l'audiovisuel et pas un Conseil supérieur de l'information ? Ce faisant, notre interlocuteur estime que l'avant-projet est lacunaire et que, à ce titre, “il doit être soumis à un large débat”. Le rédacteur en chef du Matin, incisif, assène qu'on ne peut pas donner une caution à un projet qui va renforcer le pouvoir de Bouteflika. Youcef Rezzoug pense qu'il y a “contradiction entre l'intention et les déclarations de Bouteflika à Biskra où il accuse les journaux de divulguer les secrets d'Etat”. Notre interlocuteur évoque également la note du 5 octobre sur la publicité, pour conclure que les pouvoirs publics “sont en train de préparer un environnement de totalitarisme et non pas la promotion de la liberté d'expression”. Youcef Rezzoug observe, sur un autre plan, que le projet de loi fait l'impasse sur la question de l'accès aux sources d'information qu'il est censé réglementer. Il se demande, enfin, “si ce projet, une fois adopté, sera appliqué à tous les médias publics et privés sans exception”. C'est dire finalement que toute la corporation est unie sur un seul mot d'ordre : le pouvoir cherche à la mettre devant le fait accompli. H. M.