C'est aujourd'hui à 15h devant l'Assemblée nationale, puis à 18h devant le Sénat, que le gouvernement français présentera une déclaration sur l'engagement militaire en Libye, déclaration qui sera suivie d'un débat et d'un vote. C'est le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a convoqué une session extraordinaire du Parlement à ce sujet. Le débat et le vote ont été rendus obligatoires depuis les amendements constitutionnels de 2008, notamment dans son article 35, qui stipule que “lorsque la durée de l'intervention (à l'étranger) excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation au Parlement”. L'engagement français ayant pris effet le 19 mars, les quatre mois seront bouclés lundi prochain, soit le 18 juillet. Le vote ne promet pas de surprise puisqu'aussi bien l'UMP (majorité) que le PS (opposition), jugent légitime l'intervention contre les forces de Kadhafi dans le cadre de la résolution 1973 de l'ONU. Le gouvernement obtiendra donc sans doute le feu vert des parlementaires pour prolonger son engagement, le temps nécessaire. Il n'en demeure pas moins que face à la réalité du terrain, le gouvernement français change de ton et infléchit sa position à l'égard de Tripoli et même du colonel Kadhafi et de sa famille. Alors que la situation politique est bloquée, sur le terrain militaire c'est le statu quo, signe évident d'un enlisement. Le colonel Kadhafi, loin d'abdiquer, continue de narguer l'OTAN et empêche l'insurrection de prétendre à de grandes victoires, malgré l'appui massif de l'aviation occidentale. Les tribus dont on attendait qu'elles lâchent le dictateur n'en ont rien fait pour l'instant, l'issue incertaine des combats n'invitant pas à des décisions qui peuvent s'avérer lourdes de conséquences. À cela s'ajoutent les positions hétéroclites des pays formant la coalition, composée de ceux de l'OTAN et de quatre Etats arabes. On y trouve des Etats, comme l'Allemagne, qui s'opposent catégoriquement aux bombardements et qui refusent de s'engager. On y trouve aussi des pays engagés, comme l'Italie, mais dont les avions n'ont pas largué la moindre bombe. D'autres pays encore ont programmé leur retrait des opérations à l'issue d'un vote parlementaire. Seules la France, et à un degré moindre la Grande-Bretagne, sont partisanes du tout-engagement. Critiquée par ses propres alliés, la France a dû même arrêter la fourniture d'armes à l'insurrection. Aussi, sans aller jusqu'à parler d'isolement, la France s'est tout de même singularisée par son désir d'en faire toujours plus, c'est-à-dire d'en faire trop du point de vue d'une partie de l'opinion internationale et même de ses alliés de l'OTAN. Aussi, après près de quatre mois d'intervention avec des résultats mitigés, Paris a revu à la baisse ses ambitions. Du “départ immédiat et inconditionnel de Kadhafi”, le discours officiel du gouvernement français en est arrivé à exhorter les Libyens à “se parler entre eux”. “Il va falloir maintenant se mettre autour d'une table”, a déclaré dimanche le ministre de la Défense, Gérard Longuet, sur un plateau de BFM-TV. Selon le ministre, “on s'arrête de bombarder dès que les Libyens parlent entre eux et que les militaires de tous bords rentrent dans leurs casernes, et ils peuvent parler entre eux puisqu'on apporte la preuve qu'il n'y a pas de solution de force”. Paris ouvre ainsi la voie à la négociation et le départ de Kadhafi n'est plus une condition sine qua non d'une fin de l'intervention alliée, puisqu'“il sera dans une autre pièce de son palais avec un autre titre”, selon les propres termes de Gérard Longuet. `