-Habiba…Habiba, où es-tu ? La jeune femme accourt à l'appel de sa mère Aïcha. Elle la trouve dans la cour, toute essoufflée, même excitée. C'est la première fois que cela lui arrive. - Qu'y a-t-il mère ?demande-t-elle en l'aidant à s'asseoir à l'ombre, sur un tabouret. Qu'est-ce qui a pu te mettre dans cet état ? Et pourquoi ce sourire ?lui reproche Habiba. Le médecin t'a déconseillée de te laisser emporter par les émotions…Si tu continues ainsi, ton cœur ne tiendra plus longtemps ! Mais sa mère ne se laisse pas impressionner par ces sermons. Ce que vient de lui dire son cousin Bachir est inespéré. Elle attend depuis si longtemps. Comment ne pas ressentir de la joie maintenant qu'elle allait pouvoir marier sa fille ? - Même sans ces émotions, mon cœur ne tiendra plus longtemps, répond-elle. Espères-tu me voir centenaire ? - Oui, je ne veux pas te perdre…Le plus tard possible ! Je n'ai que toi, lui rappelle Habiba. Je n'aime pas t'entendre parler ainsi. - Pourquoi fuir la réalité ou la taire… La vie est ainsi faite, rien ne pourra la changer. Aussi, poursuit la vieille mère, en gentille fille que tu es depuis toujours, j'espère que cette fois, tu vas m'écouter ? - Que vas-tu me dire de si important ? Habiba avait remarqué l'air grave du visage tout ridé de sa mère. Qu'avait pu lui dire son cousin ? - Espère-t-il m'épouser ? émet la jeune femme. Si c'est le cas, inutile d'aborder le sujet. - Non, ce n'est pas pour lui, répond Aïcha. - Pour un membre de sa famille ? - Non mais pour le petit fils d'un ami, lui apprend-elle. Il lui voudrait une fille du bled…Il sait qu'elles ont bon cœur et qu'elles ne rechignent pas à la tâche ! Bachir a pensé à toi. Il connaît ces gens et n'en dit que du bien… - Si c'est vraiment un bon parti, pourquoi n'en profite-t-il pas pour marier sa petite fille, celle qui a divorcé l'année passée ? rétorque Habiba. Elle a autant besoin d'un mari que moi ! - Vos cas sont différents ma fille, murmure la mère. Tu es veuve et tu ne pourras jamais fonder foyer ici ! Bachir a eu la bonté de me parler de lui. Il sait que je ne serais pas toujours là… Habiba, je voudrais mourir le cœur tranquille, sans avoir à me faire de soucis, pour toi ! Je sais que ma fin est proche… - Tu veux m'effrayer maman ? - Tu dois te préparer à vivre sans moi, insiste Aïcha. Ne fais pas la difficile. Je suis sûre que cet homme fera ton bonheur. Il suffit que tu le veuilles. Il est temps pour toi de te décider. Promets-moi d'y réfléchir ! Habiba l'a fait uniquement pour la rassurer. Elle ne pense pas donner suite à cette demande en mariage. Le mariage ne lui dit plus rien, depuis des années. Elle a été mariée une fois et le drame qui a eu lieu quelques semaines après lui avait enlevé le goût à la vie. Tout ça, à cause de son père. Il avait cru bien faire, par orgueil. Résultat, il lui avait gâché la vie… (À suivre) A. K.