La situation financière des Etats-Unis a de fortes chances d'être le feuilleton à succès de l'été. La presse internationale soulignait, ces derniers jours, qu'un accord sur le relèvement du plafond de la dette du pays devra être trouvé entre le 15 et le 22 juillet prochains pour donner au Congrès le temps d'entériner une loi budgétaire avant le 2 août, date au-delà de laquelle les Etats-Unis ne pourront plus rembourser leur dette. Si les parlementaires américains ne se mettent pas d'accord pour relever ce plafond, la première puissance mondiale se retrouvera en défaut de paiement. Une question qui désormais concerne directement l'Algérie. Il suffirait que le Trésor américain ne puisse pas payer les 25 milliards de dollars d'intérêts sur des obligations dues le 15 août, pour que l'infaillibilité de l'Oncle Sam, pilier du système financier international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, soit remise en question. Depuis la mi-mai, les Etats-Unis ont explosé le plafond de la dette américaine. Fixé par le Congrès autour de 15 000 milliards de dollars actuellement, ce plafond a déjà été relevé en janvier dernier. Il s'agit de l'augmenter une nouvelle fois pour sortir (provisoirement) les Etats-Unis de l'embarras : le pays ne peut théoriquement plus emprunter sur les marchés lorsque le seuil est dépassé. Ce qui revient à dire que les Etats-Unis sont dans une situation de défaut de paiement. La Maison-Blanche et le Congrès ont donc encore quelques semaines pour se mettre d'accord. La première presse l'autre de relever le plafond, mais le Congrès refuse d'appuyer sur le bouton tant que le gouvernement n'aura pas détaillé un programme précis et concret de réduction des dépenses publiques. Les Etats-Unis enchaînent, en effet, trois années de déficit public supérieur à 10%. Il devrait atteindre encore environ 1 600 milliards de dollars cette année. Les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, utilisent cette date pour obliger la Maison-Blanche à accepter 2 500 milliards de dollars de réductions de dépenses publiques sur 10 ans, sans augmentation de taxes. On imagine facilement que personne n'a intérêt à une crise de la dette américaine qui pourrait entraîner le système financier international dans des eaux aussi inconnues que dangereuses. Aucun responsable politique américain ne peut se permettre un tel scénario. Les partenaires étrangers, tous créditeurs des Etats-Unis, de la Chine au Brésil en passant par l'Europe et le G20 ne souhaitent pas non plus, à l'évidence, se trouver face à la situation inédite d'un déclassement de la dette américaine qui aurait pour conséquence mécanique de dévaloriser leurs avoirs exprimés en dollars et leurs créances sur le Trésor des Etats-Unis. Un accord devra donc forcement être trouvé dans les semaines qui viennent. Entre-temps, l'épouvantail d'un défaut de paiement des Etats-Unis même s'il reste purement théorique aura révélé la fragilité des équilibres de l'économie américaine excessivement dépendante des financements externes. La menace qui pèse sur la notation (AAA) de la dette américaine préoccupe de façon croissante les créanciers de la première économie mondiale. Les investisseurs privés ont commencé à donner des signes d'inquiétude en reportant leurs placements sur l'or notamment qui a connu ces derniers mois une hausse tout à fait extraordinaire de sa valeur. La Chine dont les avoirs en bons du Trésor américain seraient de l'ordre de deux mille milliards de dollars a commencé à diversifier ses placements et à freiner ses achats de titres américains. Banque d'Algérie : “la gestion sécurisée” sur la sellette Pour l'Algérie, dont une part importante des réserves de changes est constituée de bons du Trésor US, cette crise de la dette américaine pourrait ne pas être sans conséquences. Elle devrait d'abord avoir pour premier effet d'exercer une pression sur les autorités financières algériennes en les amenant à communiquer plus largement sur la gestion des réserves de changes du pays. Dans ce domaine, les deux dernières années ont été caractérisées par une régression remarquable illustrée par exemple par le fait que les dernières informations officielles rendues publiques sur le montant de ces réserves ont été communiquées par une mission du FMI en visite à Alger au mois d'octobre dernier qui les estimaient à 157 milliards de dollars. Les autorités financières ne semblent plus, de leur côté, juger utile dans la période récente de mettre ces informations à la disposition du public algérien. La gestion de ces réserves de changes pourrait également connaître quelques évolutions. M. Karim Djoudi affirmait encore récemment que “la Banque d'Algérie pratique une gestion sécurisée des réserves de changes du pays”. On a ainsi la réponse à une double question qui est celle de l'opérateur chargé de cette gestion et à celle de la nature de cette gestion qui constitue pour l'heure le noyau dur de la doctrine des autorités algériennes en la matière : la gestion sécurisée des réserves de changes. C'est encore M. Djoudi qui précise le contenu de cette notion : “Les réserves de changes de l'Algérie sont placées en actifs publics. Les risques sont nuls parce que ce ne sont pas des risques de marché.” On aura compris que les réserves de changes algériennes sont placées pour l'essentiel en bons du Trésor des principaux pays développés. Les autorités algériennes considèrent qu'il s'agit d'une gestion sécurisée dans la mesure où elles se retrouvent principalement créancières des Trésors publics de ces états évitant ainsi le risque de défaillance d'un débiteur privé. Dans ce contexte, même si la défaillance du Trésor public américain ne constitue pas une hypothèse plausible, la crise actuelle de la dette des Etats-Unis devrait renforcer le processus de diversification des monnaies dans lesquelles sont libellés ces placements. La prédominance historique du dollar américain et le risque de dépréciation qu'il fait courir à nos réserves auraient d'ailleurs été corrigés au cours des dernières années par l'augmentation de la proportion des réserves nationales libellées en euros qui serait devenue aujourd'hui dominante. Les fonds souverains, Sonatrach et les autres… C'est aussi la recherche de la sécurité des placements qui est à l'origine du refus des autorités algériennes de créer un fonds souverain. Ce mode de placement de leurs réserves financières a été adopté par un nombre croissant de pays, producteurs d'hydrocarbures notamment, dans le sillage de l'augmentation des prix pétroliers. Il consiste essentiellement à créer un organisme chargé de prendre et de gérer des participations sous forme d'actions ou d'obligations d'entreprises le plus souvent étrangères. Les fonds souverains les plus importants ou les plus anciens, créés notamment par les pays du Golfe, les pays asiatiques ou nordiques, sont ainsi souvent associés aux résultats financiers de plusieurs milliers d'entreprises. La position des autorités algériennes, dans ce domaine, a été au cours des dernières années confortée par les pertes subies par ces fonds à la suite de la chute des marchés boursiers qui a provoqué pour beaucoup d'entre eux une diminution de la valeur de leurs placements comprise entre 20 et 30%. Même si on ne doit pas s'attendre dans ce domaine à des évolutions significatives de la doctrine des autorités financières algériennes dans un avenir proche, on peut se demander en revanche si les appels à un assouplissement de la réglementation algérienne en matière d'exportation de capitaux par les opérateurs économiques ne vont pas trouver un supplément de crédibilité dans la crise en cours des dettes souveraines. À l'heure actuelle, seul le groupe Sonatrach qui depuis des années finance ses acquisitions à l'étranger avec des créances non perçues sur ses clients, ainsi que vient de le montrer encore récemment sa prise de participation dans le capital de Gas natural, bénéficie dans ce domaine d'un statut privilégié.