Fidèle à sa démarche depuis le début du soulèvement contre son régime, il y a de cela cinq mois maintenant, le colonel Mouammar Kadhafi a renouvelé, hier, son rejet des décisions du groupe de contact sur la Libye, tout en menaçant les rebelles d'une marche sur Benghazi, s'ils ne fuient pas le pays. Alors que la réunion du groupe de contact sur la Libye à Istanbul a apporté un soutien total au Conseil national de transition libyen, à travers une reconnaissance officielle, Mouammar Kadhafi a affirmé vendredi que la reconnaissance par les puissances mondiales et régionales de ce conseil n'avait “aucune portée pour le peuple libyen”. “Jusqu'à ce qu'une autorité intérimaire soit en place, les participants ont convenu de traiter le CNT comme l'autorité gouvernementale légitime en Libye”, affirme le document paraphé à Istanbul. Pour le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé : “Cela veut dire que nous allons pouvoir dégeler un certain nombre d'avoirs appartenant à l'Etat libyen puisque que c'est le CNT qui exerce désormais cette responsabilité.” Guère impressionné par ces décisions, le colonel Kadhafi a affirmé dans un message relayé par haut-parleurs à des milliers de ses partisans rassemblés à Zliten : “Reconnaissez un million de fois le soi-disant Conseil national de transition (CNT), cela n'a aucune portée pour le peuple libyen qui va piétiner vos décisions.” Il ne manquera pas de menacer une fois de plus les dirigeants de la rébellion, en déclarant : “J'ai avec moi cinq millions de Libyens prêts au martyre. Je ne leur ai pas encore donné le feu vert pour marcher sur vous, je vous donne une dernière chance de cesser vos opérations et je demande aux traîtres de Benghazi de se rendre ou de se sauver du pays.” Sur un ton ironique, il a affirmé qu'il n'imaginait pas qu'un jour le peuple libyen puisse être “représenté par une poignée de traîtres qui ont ouvert les portes de Benghazi à des forces croisées”. S'excluant lui-même comme représentant du peuple libyen, il ajoutera : “Personne ne peut représenter le peuple libyen, même pas Kadhafi. Le peuple va donc piétiner vos décisions et vous dire "zut"”. Le colonel Kadhafi, qui est confronté depuis cinq mois maintenant à une rébellion armée, a de nouveau défié l'OTAN qui bombarde ses forces depuis mars en lui donnant “une dernière chance”. Au passage, il égratignera le président français Nicolas Sarkozy, qu'il a qualifié de “fou et stupide” pour avoir “détruit les intérêts communs de la Libye et de la France”. Poursuivant, il dira : “Nous avons toujours œuvré pour avoir de bonnes relations avec les peuples français, britannique et italien”, avant d'accuser les dirigeants de ces pays de “vouloir créer un désastre pour l'Europe, la Méditerranée et l'humanité entière en lançant une croisade contre le peuple libyen pacifique”. Pour rappel, Kadhafi avait traité jeudi Sarkozy de “retardé mental” et de “criminel de guerre qui a entaché l'histoire de la nation française et détruit les rapports de son pays avec la Libye et les pays musulmans”. Réagissant à ces déclarations, le ministère français des Affaires étrangères avait indiqué vendredi qu'elles “illustrent le cynisme et l'isolement d'un dictateur”. Selon la déclaration finale de la réunion du groupe à Istanbul vendredi, le groupe de contact sur la Libye reconnaît désormais le CNT, organe politique des rebelles, comme “l'autorité gouvernementale légitime” du pays. Sur le plan militaire, les rebelles comptent obtenir un soutien aérien rapproché de l'Otan avant d'avancer sur la capitale, se disperser pour agir sur plusieurs fronts, détruire les stocks d'armes, couper l'approvisionnement en carburant. De leur côté les rebelles de l'ouest libyen affinent leur stratégie pour tenter de faire tomber Tripoli.