Les expéditions spectaculaires contre les femmes se poursuivent. Des actes de violence commis contre cette frange vulnérable de la société sont, en effet, constamment signalés à travers toutes les régions du pays. Les derniers en date ont été enregistrés, début juillet, dans la wilaya de M'sila où des concitoyennes taxées de “mauvaises mœurs” ont subi des “actes de barbarie” perpétrés par des “hommes”. La propagation alarmante de ce phénomène ne laisse pas indifférent le mouvement associatif féministe. S'indignant du mal que subissent de nombreuses Algériennes “livrées à elles-mêmes”, Mme Dalila Djerbal, membre fondateur de l'Observatoire des violences contre les femmes (Ovif) décrie l'“absence de l'Etat” devant cette situation inquiétante. Lors d'une conférence de presse conjointement animée avec la présidente de l'association Djazaïrouna, Mme Chérifa Khedar, hier à la maison de la presse Tahar-Djaout, la représente de l'Ovif est, en effet, montée au créneau pour dire basta aux actes de violence contre les femmes, tout en dénonçant, l'“impunité” des agresseurs par les institutions compétentes. Mme Djerbal constate avec amertume la “non-application” des lois dictées par nombre de conventions ratifiées par l'Algérie, notamment celle des Nations unies 1949 portant sur “la préservation de la dignité et la valeur de la personne humaine”. Cette impunité conjuguée à la précarité sociale dont vivotent plusieurs familles algériennes, explique Mme Djerbal, fait que le phénomène de la prostitution s'érige en un véritable “système”. Ce “système de prostitution”, dit-elle, qui profite en premier lieu aux mâles en tant que “consommateurs”, et qui “alimente en milliards des réseaux mafieux”. En revanche, la prostitution détruit ses victimes, les femmes et les enfants. “C'est la loi de la jungle !”, regrette Mme Djerbal. “Le système de prostitution normalise la domination” À travers ce cri de détresse, le mouvement associatif veut attirer l'attention des pouvoirs publics à se pencher sur ce fléau et mettre en œuvre un cadre législatif adéquat et protecteur de toutes les franges vulnérables, notamment ces femmes, célibataires, veuves ou divorcées, vivant seules, souvent accusées par le voisinage de “potentielles prostituées”, et qui subissent donc, et à plus grande échelle, les conséquences de la précarité sociale. Si la précarité produit la prostitution, l'actuel code de la famille est producteur de la précarité. En attendant l'élaboration d'un meilleur cadre législatif, les pouvoirs publics, tout comme la société, ne doivent plus continuer de “détourner pudiquement” le regard face aux agresseurs. “Aujourd'hui, nous exigeons que la sécurité des femmes soit assurée. Nous ne devons plus fermer l'œil sur la violence qu'elles subissent. Le critère de référence ne doit pas être le consentement de la femme à se prostituer, mais plutôt le mal qu'elle subit”, a commenté Mme Djerbal. Le réseau Wassila et l'association Djazaïrouna, qui se joignent à l'action de l'Ovif, ne sont pas moins outrés par les exactions et les sévices auxquels font face les femmes pour appeler le mouvement associatif à plus de solidarité pour défendre les droits de cette frange de la société. Pour le réseau Wassila, “le système de prostitution ne fait que normaliser le principe de la domination et de l'exploitation du corps des femmes”. À ceux qui soutiennent que “seule la réouverture des maisons closes légalement agréées” pourra éventuellement limiter la propagation de la prostitution et par ricochet les actes de violence, le mouvement associatif s'interroge : “Peut-on répondre à un crime par cet autre crime, la traite des êtres humains ?” Bien sûr que non, si ce n'est qu'une manière de “mettre en esclavage sexuel officiel d'êtres humains donnés en pâture à des consommateurs”. La seule parade à même de juguler un tant soit peu ce phénomène, exigent les représentants du mouvement associatif féministe, consiste en la prise en charge sociale de toutes les catégories démunies et la condamnation de tous les actes de violence.