Chaque année les mêmes questions reviennent à la veille du mois de Ramadhan : les malades chroniques peuvent-ils jeûner normalement ? Le jeûne a-t-il des effets bénéfiques sur le métabolisme de la personne ? Pourquoi la plupart des Algériens souffrent du manque d'énergie durant ce mois sacré ? Pour répondre à ces questions, M. Djamel Ould-Abbès, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, a trouvé la solution : la création d'un centre de recherche sur les effets du jeûne. Ce centre sera mis en place incessamment et comptera en son sein des experts “avérés” dans diverses spécialités médicales à savoir des cardiologues, des diabétologues, des nutritionnistes… “Ce centre va étudier les effets du jeûne sur les personnes atteintes de maladies chroniques ainsi que sur les sujets en bonne santé. Il nous permettra d'avoir des données scientifiques et faire des recommandations basées sur des recherches menées concernant l'hygiène de vie et l'alimentation saine”, a expliqué le professeur A. Boudiba, chef de service de diabétologie de l'hôpital Mustapha-Pacha (Alger) et membre de ce centre de recherche. Il a précisé que ce centre s'occuperait également de la surveillance et de la recherche sur l'hygiène de vie des Algériens afin d'éviter que les maladies chroniques ne surviennent davantage, surtout celles qui sont liées à l'alimentation. Ces recommandations seront faites pour mieux orienter les malades et les sujets sains sur les différentes options nutritionnelles. Au sujet du mois de Ramadhan, le professeur Boudiba a constaté que le jeûne est devenu, ces derniers temps, synonyme de surconsommation, de boulimie voire même de violence alimentaire alors qu'il est censé être un mois de maîtrise de soi. Selon lui, c'est le mois idéal pour le sevrage de certaines addictions (tabac, café…). Le jeûne permet un certain repos digestif, un renouvellement cellulaire et il a aussi des effets favorables sur certaines maladies psychosomatiques. Cela doit être suivi bien évidemment par une hygiène de vie et une alimentation variée après la rupture du jeûne. “Il est nécessaire d'avoir une alimentation variée et saine : il faut éviter les aliments trop sucrés, trop salés et trop gras. Il faut aussi bien s'hydrater en buvant beaucoup d'eau et non du soda. Il ne faut pas essayer de rattraper la nuit, ce qu'on n'a pas vécu la journée que cela soit sur le plan alimentaire ou autre”, a recommandé le Pr Boudiba. Concernant les malades chroniques, le chef de service de diabétologie à l'hôpital Mustapha-Pacha, a déclaré que la décision de jeûner pour un malade chronique revient uniquement au médecin traitant. “La décision médicale reste prioritaire et essentielle pour le malade sauf qu'il y a toujours des problèmes avec les patients qui ne respectent pas les recommandations médicales”, a-t-il indiqué. Il a signalé que la plupart des malades chroniques précisément les diabétiques jeûnent sans avis médical et sans se rendre compte des risques à même d'aggraver leur cas. Selon une étude faite sur le jeûne des malades chroniques dans 13 pays musulmans, notamment l'Algérie, plus de 50% des patients ne respectent pas les recommandations de leur médecin traitant et jeûnent sans avis médical. Le Pr Boudiba lie le non-respect du malade chronique aux décisions médicales aux poids spirituel, familial et surtout social notamment le problème d'intolérance dans notre pays. “Le malade chronique se sent isolé et frustré de ne pas jeûner alors il prend le risque de le faire. Pourtant le Coran est très clair sur ce sujet”, a-t-il expliqué. Et d'ajouter : “Les gens devraient être plus tolérants envers ceux qui ne jeûnent pas. Il ne faut ni les juger ni être choqué de voir quelqu'un boire de l'eau ou manger discrètement dans un coin. S'il le fait c'est parce qu'il a des raisons bien valables”. Il a insisté, également, sur l'aide familiale et la nécessité d'être plus ouvert d'esprit concernant les malades qui ne jeûnent pas. “La plupart des malades chroniques se cachent pour prendre leur repas et leurs médicaments alors qu'ils sont autorisés. Certains parmi eux se justifient même en montrant leur carte de malade chronique pour pouvoir acheter une petite bouteille d'eau”, a-t-il expliqué. Il a précisé que tous ces poids pèsent sur le moral du malade et le poussent à jeûner.