Le concept du tafsir, encore à l'état embryonnaire les premières décennies de l'islam, s'était forgé en tant que science indépendante et autonome avec l'essor de l'islam et de l'enseignement du Coran et des hadiths. Plusieurs explications sont données à cela par les exégètes. L'on peut relever, notamment : - La nécessite de connaître le caractère particulier du Coran qui renferme des versets clairs et des versets ambigus, un sens littéral et un sens profond, un sens apparent et un sens caché ou allégorique que seuls ceux qui sont dotés d'un savoir peuvent en saisir le sens. Cette ambivalence est voulue par Dieu justement pour encourager la réflexion et la méditation. Des versets, révélés il y a quatorze siècles, dévoilent leur secret au fur et à mesure que la science et la recherche progressent. De plus, le Coran a une spécificité. Il est la première source de l'interprétation en raison du fait que des versets expliquent et précisent le sens d'autres versets qui suivent ou qui se trouvent dans d'autres sourates. Ceci demande et exige une parfaite connaissance du Coran, de la langue, du hadith et de la tradition, de la culture générale dans le domaine et le sens de la déduction. Cela va de soi. - La nécessité de connaître la sunna du Prophète dans l'interprétation du Coran et des circonstances de la révélation des versets et des sourates. Toute une science a été instituée, appelée “les causes de la Révélation”, qui aident à comprendre le sens et à aider à la mémorisation, l'interprétation et le rappel. Des compagnons, qui ont été proches du Prophète, ont tous répertorié et enregistré, en connaissant jusqu'au détail, les versets et les circonstances de leur révélation. La révélation du Coran, qui a été étalée dans le temps durant vingt-trois années, a beaucoup aidé à la mémorisation et du texte et des circonstances de la Révélation. -La nécessité d'homogénéiser la langue arabe dans laquelle le Coran a été révélé. Le Coran a été, certes, écrit par Dieu dans la langue de Koraich, mais a englobé les autres dialectes des tribus du Sud et du Nord de la Péninsule arabique. Le Prophète (prière et salut soient sur lui) lisait le Coran dans les sept dialectes connus pour contenter tout le monde et véhiculer le message divin en adaptant la lecture au contexte local et en étant proche des gens. Lui-même disait : “Parlez le langage que les gens "moyens" comprennent.” Dans son introduction mémorable sur l'histoire de l'exégèse à la traduction du Coran, le professeur Hamza Boubekeur note que des chercheurs ont même décelé des termes empruntés à des langues anciennes, bibliques notamment, et des langues de peuples et civilisations riverains et lointains dont, tenez-vous bien, le berbère. - La nécessité de connaître la tradition, notamment des compagnons les plus rapprochés du Prophète, que Dieu les agrée, et plus particulièrement ceux versés dans l'interprétation et l'apprentissage du Coran. L'histoire de l'exégèse a gardé un riche patrimoine inestimable non seulement dans la sauvegarde du Coran, mais dans sa compréhension et son interprétation. Il y a des noms célèbres dont Ibn Messaoud et Ibn Abass, de vrais chevaliers des premiers temps de l'exégèse. L'on dit que le Prophète (P. et S. sur lui) a imploré Dieu de leur accorder le savoir dans ce domaine. De plus, ils sont des proches qui ont été élevés dans le sérail de la maison du Prophète (P. et S. sur lui). La prophétie s'était réalisée à la lettre. Il a aussi imploré pour d'autres, dont Abi Houraya, pour l'apprentissage du Coran et du hadith, ce qui a permis à ce dernier d'être une autre référence pour la sauvegarde du Livre saint et de la tradition. La main divine veille sur tout. Nous sommes redevables à ces gens illustres qui ont permis de perpétuer la tradition du Prophète (Prière et Salut soient sur lui) et d'assurer une facilitation dont on s'inspire de nos jours encore avec une fidélité et une honnêteté exemplaires. Ainsi est née cette science, devenue fondamentale pour l'interprétation du premier livre d'inspiration et de guide des musulmans avec tous les effets positifs et négatifs sur le comportement des fidèles et les lois qui régissent la société. L'histoire a montré que si on approche les textes dans le bons sens, l'ouverture d'esprit et l'équilibre, il y a essor de la pensée, de la société et de l'islam. Si au contraire, il y a fermeture, blocage et déviation, c'est le cas contraire qui se produit. C'est tout l'enjeu que renferme l'exégèse. La première période s'était distinguée par des gens comme Ibn Abass avec un sens élevé d'interprétation qui servira d'exemple. S. B.0 Prochain article : Les conditions de l'interprétation.