Il est plus que jamais important aujourd'hui de comprendre ce que dit ce texte et non ce qu'on lui fait dire... Que de guerres au nom de l'Islam ont été entretenues ces dernières décennies envoyant de nombreux civils vers la mort. Et tous ces attentats kamikazes qui font de ces individus des martyrs de Dieu, au nom de Dieu. Vrai ou faux? Cela est-il vraiment écrit ou prescrit dans le Coran? Et toutes ces spéculations autour des pratiques sociales tous les jours, sont-elles enseignées telles quelles?...Dans Penser l'Islam, Mahmoud Hussein alias Bahgat El Nadi et Adel Rifaât, deux politologues français d'origine égyptienne ne s'ingénient pas ici à trouver des réponses toutes faites mais réfléchissent surtout sur l'essence même du Coran, en corrélation avec le contexte de sa révélation pour avoir une idée juste de son contenu et non l'interpréter à tort. Les auteurs s'emploient à démontrer que le texte coranique est tributaire du contexte de sa révélation. Autrement «la parole coranique entretient un lien vivant avec le contexte dans lequel elle a été révélée». Mahmoud Hussein démontre ainsi à travers ces 150 pages qu'il faut dépasser l'a priori littéraliste et ne pas prendre tout au pied de la lettre mais faire un effort d'interprétation car nous vivons dans une époque autre que celle du Prophète (Qsssl). Aussi, apporte-t-il deux significations du Coran: «Le créé» comme enseigné par les Mu'tazilites selon lesquels le Coran est tributaire de la raison. Les croyants sont donc appelés à déployer un effort de recherche personnelle au mieux de l'interpréter au mieux de leurs capacités. A cela s'oppose le Coran «Incréé» tel qu'il est enseigné par Ibn Hanbal qui stipule que le Coran se place au-dessus du Coran. Ce qui importe donc est «moins de le comprendre que de s'en imprégner toujours plus profondément». C'est la seconde problématique traditionaliste qui a fini par l'emporter au fil des siècles. «Enfants, ils apprennent des fragments par coeur sans les comprendre. Devenus grands, ils fréquentent le texte sans oser le penser. La plupart d'entre eux ne s'aventurent pas dans la recherche du sens, encore moins dans une interprétation. En se privant ainsi d'une compréhension personnelle, librement élaborée, de l'univers que le Coran leur offre, c'est une part intime de leur identité, de leur confiance en soi, qu'ils mutilent», pouvons-nous lire à la page 21. Or, comprendre le Coran, nécessite de «l'Ijtihad» comme souhaité par Dieu, est-il indiqué un peu plus loin. Pour ce faire, il faut revenir au cadre historique de la Révélation; l'auteur revient à ses débuts, dans le temps de son avènement, apporte des exemples concrets liés aux hadiths en fonction du contexte précis lié à la vie du Prophète (Qsssl) et de sa population de l'époque. Des hadiths sont fonction, au fur et à mesure des attentes et questionnements de sa société ou communauté. Aussi, est-il fait mention ici des réponses de Dieu aux arguments des juifs et des chrétiens, de son ordre de combattre les polythéistes, des versets concernant la personne du Prophète (Qsssl), de Dieu guidant son messager, ainsi que d'autres versets s'agissant des contemporains du Prophète (Qsssl), d'autres sur des événements historiques ou encore certains versets abrogés dans ces circonstances précoces et pour des causes spécifiques...L'impasse à laquelle mène la problématique du «Coran incréé» fait ressortir, par contraste, l'évidence logique et la cohérence pédagogique de la problématique du «Coran créé». Aussi, l'auteur à propos de ces versets abrogés note-t-il en page 125: La question de l'inscription du Coran dans le temps devient en tout état de cause incontournable, dès lors que l'on parle de versets «abrogeants» ou «abrogés». Pour l'auteur, en fait, les errements aujourd'hui et déchirures qui découlent du Coran sont le fait de «l'a priori littéraliste» mais finit-il par affirmer comme incontournable - comme soutenu par le Prophète (Qsssl) - les cinq piliers de l'Islam à savoir l'attestation qu'il n'y a de Dieu que Dieu, la prière, l'aumône légale, le jeûne de Ramadhan et le pèlerinage à la Maison de Dieu. «Au-delà de la foi en Dieu et de l'observance des devoirs rituels qu'il commande, le croyant est appelé à conduire une action terrestre orientée vers le bien de ses semblables. Le Coran éclaire la dimension morale de son parcours, mais le laisse libre de ses choix sur le plan pratique; il doit faire ces choix en accord intime avec sa conscience, car il en assumera seul, au Jour du Jugement, la pleine responsabilité», finit-on par lire au dernier chapitre du livre. L'ouvrage que voici donne ainsi les clés pour lire et penser l'Islam. En replaçant de nombreux versets du Coran dans les circonstances où ils furent révélés, il éclaire des évidences, largement occultées à l'heure actuelle et cependant essentielles à l'intelligence du texte. Car il est plus que jamais important aujourd'hui de comprendre ce que dit ce texte et non ce qu'on lui fait dire! Un livre intéressant à lire, sorti aux éditions Sédia. Pour info, les deux politologues qui ont signé cette oeuvre sous un pseudonyme commun ont déjà publié des ouvrages qui ont fait date, notamment De la lutte des classes en Egypte (Maspéro, 1969) et Versant Sud de la liberté (la Découverte, 1989), à Al-Sira, le Prophète de l'Islam raconté par ses compagnons (Grasset, deux tomes, 2005 et 2007).