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Attentats du 11 septembre : L'Islam, la violence, la guerre et la paix
Publié dans El Watan le 11 - 09 - 2009

Le jihad est indéniablement un des concepts les plus importants en Islam. Si commun dans les médias occidentaux qu'ils traduisent abusivement et improprement par le terme très réducteur de « guerre sainte », il est souvent employé avec une connotation très fortement négative, voire terrifiante, sur fond de terrorisme islamique et d'attentats suicides. Etymologiquement, le mot « jihad » en arabe signifie « faire des efforts », lutter contre ses pulsions, ses tensions et combattre ses démons intérieurs. Comment ce concept fort de la plus intense des spiritualités est-il devenu le symbole de la violence, de la guerre et du terrorisme ?
Comment comprendre le Coran en matière de violence et de paix
Les événements du 11 septembre 2001 ont posé naturellement la question de la compréhension du Coran en matière de violence, de guerre et de paix dans le monde musulman. Pour connaître le point de vue de l'Islam sur ces questions sensibles, il faudra éviter de mener une réflexion strictement circonstancielle aussi tragique soit-elle et savoir revenir aux sources islamiques et plus particulièrement aux textes fondateurs de l'Islam, c'est-à-dire le Coran et la sunna. Les malentendus persisteront et les relations entre les musulmans et les non-musulmans ne pourront s'améliorer si les uns se contentent de lire l'actualité des événements sociaux ou politiques en brandissant le « danger islamique » sans revenir aux sources islamiques et les autres de répondre que le Coran nous encourage à la paix, que la violence ne relève pas de l'Islam ou que le prophète était le symbole même de la douceur et la miséricorde, ce qui est certes vrai mais demande plus d'éclairage. Si les musulmans doivent répondre, et répondre clairement, objectivement et sincèrement à partir des sources islamiques à toutes les questions qui se posent autour de l'Islam, la violence, la guerre et la paix ; les non-musulmans, quant à eux, doivent prendre la peine et le temps de les écouter et leur faire confiance s'ils veulent apprendre à vivre justement, tranquillement et paisiblement ensemble.
« N'est-ce pas au souvenir de Dieu que s'apaisent les cœurs » (Coran 13/28). La paix et notamment la paix du cœur est une notion fondamentale en Islam dont le sens même consiste à se remettre totalement à Dieu dans la paix du cœur comme le précise Coran : « N'est ce pas au souvenir de Dieu que s'apaisent les cœurs ? » (Coran 13/28). A l'issue de chaque prière, le musulman doit répéter ces paroles du prophète (QSSSL) : « Seigneur, Tu es la paix, tu es la source de la paix, et c'est auprès de Toi que s'en retourne la paix. » (hadith). Par ailleurs, on entend souvent les musulmans se saluer en répétant : « Que la paix de Dieu, Son pardon et Ses bienfaits soient sur toi ». Enfin, à un compagnon qui voulait savoir ce qu'il fallait faire pour s'aimer en Dieu, le prophète lui répond : « Voulez-vous que je vous indique la chose que vous devez faire pour vous aimer plus : propagez la paix entre vous ». Nous le voyons, l'appel à la paix est omniprésent dans la vie des musulmans mais ils en parlent tellement peu que les non-musulmans qu'ils côtoient tous les jours doutent parfois de cette paix qu'ils défendent avec force et conviction. Et le jihad, la guerre sainte dans tout ça me disent souvent les gens quand je leur parle de la paix et de la miséricorde en l'Islam ? « Le meilleur jihad est celui du cœur, de la maîtrise de soi » (hadith) En Europe et plus particulièrement en France, il n'est pas un musulman ou une musulmane qui ne soit régulièrement interpellé(e) par cette question du jihad que l'on traduit systématiquement et improprement (y compris parfois par des musulmans) par le terme très réducteur de « guerre sainte ». Il parait donc important de définir ce concept qui représente une des notions les plus fondamentales en Islam, alors qu'il est souvent utilisé par les médias, notamment avec une connotation fortement négative, voire terrifiante, sur fond de terrorisme « islamique » et d'attentats suicides. De quoi s'agit-il véritablement ?
Au retour à Médine d'une expédition où des musulmans étaient confrontés à leurs ennemis après la conquête de La Mecque et la bataille de Hunayn durant la huitième année de l'hégire (630), le prophète (QSSSL) dit à ses compagnons : « Nous revenons du petit jihad vers le grand jihad. » Les compagnons demandèrent : « Ô Envoyé de Dieu, quel jihad peut-il être plus grand que celui que l'ont vient d'accomplir ? Il répondit : « Le jihad (la lutte, l'effort) d'un serviteur (de Dieu) contre ses propre désirs. » Il qualifie ainsi la guerre de « petit jihad » par rapport au « grand jihad », qui, consiste lui, à faire l'effort de purification intérieure. Ce hadith n'atteint peut-être pas un degré d'authenticité acceptable selon beaucoup de savants musulmans qui le considèrent comme faible (dha'if), mais il est corroboré par beaucoup d'autres hadiths qui convergent vers le même sens. Ainsi, le prophète (QSSSL) dit : « Le combattant dans la voie de Dieu est celui qui lutte contre son propre ego » ou encore : « La meilleure façon de pratiquer le jihad consiste à lutter contre son ego et ses passions ». On voit donc une distinction claire entre le « petit jihad » qui est la lutte armée, la guerre et le « grand jihad » qui est le combat intérieur, le combat spirituel. Lutter contre ses forces les plus négatives, combattre son cœur, son ego et ses démons intérieurs et apprendre à vivre dans la proximité de Dieu, voilà le sens littéral et figuré le mieux approprié du mot « jihad » comme le dit le prophétique (QSSSL) : « Le meilleur des jihads est le combat du cœur, la maîtrise de soi. » (hadith). Il ne faut certes pas réduire la notion du jihad à sa seule dimension de purification intérieure et de maîtrise de soi car, dans le Coran, il est bien question d'une autre forme de jihad : la guerre ou la lutte armée. Malheureusement, les médias de façon générale ne retiennent que cette deuxième forme du jihad sans en connaître véritablement les tenants et les aboutissants et omettent souvent de préciser qu'il s'agit là de situations absolument exceptionnelles. Mais les versets qui légitiment la violence et la guerre et qui appellent à tuer les non musulmans existent bel et bien dans le Coran, me disent souvent des gens ayant besoin d'éclairage.
Parler de son cœur
Avant de traiter ces versets qui parlent de la guerre, il faut d'abord rappeler que le Coran présente la diversité comme un choix du Créateur : « Si Dieu l'avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté, mais il en est ainsi afin de vous éprouver en ce qu'Il vous a donné. Rivalisez donc de bonté. » (Coran 5/48). Dieu nous appelle à rivaliser de bonté, à utiliser la diversité dans le bon sens, à vivre ensemble comme on le trouve dans un autre verset : « Ô gens, nous vous avons créés à partir d'un mâle et d'une femelle et nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous vous entreconnaissiez. » (Coran 49/13). Il s'agit ici d'accepter la religion de l'autre, de respecter sa différence, de coopérer avec lui, de se prêter assistance et de chercher avec lui à établir un équilibre respectueux. La finalité de la diversité des nations trouve justement son sens dans la volonté de chercher à s'entreconnaître comme le disent clairement ces versets coraniques. Il arrive cependant que des pays musulmans soient victimes d'injustice, d'agression, de menace d'agression, d'oppression ou que le respect de leur droit soit bafoué. Dans ces conditions, il est de la responsabilité des ces peuples ou de ces pays de s'opposer à cet état de fait. C'est dans ce sens qu'a été révélé le verset 22-39/40 qui autorise le jihad, dans le sens lutte armée. Autrement dit, il faut appeler à la paix, combattre la violence, éviter les conflits, mais il faut en même temps se préparer à lutter et résister aux injustices et à l'oppression. En Islam, il existe donc des situations où la lutte armée est légitimée. Il s'agit là d'une exception. La règle, elle, consiste à vivre en paix comme le rappelle le verset coranique : « Il ne vous est pas interdit vis-à-vis de ceux qui ne vous combattent pas pour votre religion et ne vous chassent pas de vos demeures d'établir des liens d'amitiés et d'être juste à leur égard. » (Coran 60/8).
L'Islam ne tolère la guerre que pour repousser une agression ennemie, puisque, selon le Coran, Dieu n'aime pas les agresseurs (Coran 10/5). Par ailleurs, le droit musulman (Al Fiqh) limite et encadre de façon très stricte les conditions et les effets de la guerre. En effet, durant et après la guerre, l'Islam interdit de tuer les femmes, les enfants, les vieillards, les aveugles, les invalides, les malades mentaux, les ermites, les paysans, les artisans et les commerçants. L'emploi de poison contre l'ennemi est prohibé. On ne doit pas brûler les corps des ennemis, même après leur mort. Il ne faut ni couper les arbres, ni détruire les récoltes, ni assécher les ressources d'eau potable. Ainsi, le premier calife Abou Bakr, pendant qu'il répartissait l'armée de la Palestine sous le commandement du compagnon du prophète (QSSSL) Oussama, disait : « Ne vous comportez pas en traîtres ! Ne mutilez pas (vos ennemis), ne tuez ni enfant, ni vieillard, ni femme. N'abattez pas et ne brûlez pas les palmeraies, ni les arbres fruitiers. Ne tuez ni mouton, ni vache et ni chameau, sauf pour vous nourrir. Vous allez passer près des gens qui se sont retirés du monde pour s'adonner à la retraite (des moines chrétiens) : laissez-les tranquilles à leur vocation... » Puis il leur dit : « ... Partez au nom de Dieu ! »
A chaque fois que cela est possible, il faut chercher à établir des relations ouvertes, amicales et respectueuses avec les gens qui ne partagent ni notre foi ni notre histoire pour faire progresser la connaissance mutuelle que nous devons avoir les uns avec les autres. Tous les versets coraniques et les paroles du prophète (QSSSL) qui traitent de la guerre et de la lutte armée doivent être compris à la lumière du verset coranique 60/8 cité plus haut. Avant de parler de guerre entre les nations, de lutte ou de résistance, il faudra d'abord apprendre à parler avec et de son cœur qui peut justement être un champ de bataille. Les tentatives d'instrumentalisation de l'Islam au service de prétentions guerrières qui n'ont rien de saintes sont nombreuses et l'Algérie en a payé un lourd tribut. Des personnes, qui, à partir d'une lecture littéraliste du Coran et de la tradition du prophète (QSSSL), sèment les graines de la haine, entre les enfants d'un même pays, d'une même famille alors que le Prophète (QSSSL) dit : « Le meilleur des hommes est le plus utile aux hommes. » (hadith). La lutte contre la faim, le chômage, la délinquance, la toxicomanie et toutes les formes d'inégalité, voilà un jihad qui a besoin de chacun et de tous.
Dr A. G. : (*) Recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne (France).Enseignant chercheur à l'Ecole supérieure de chimie physique électronique (ESCPE) de Lyon


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