Dès le départ, les autorités et les savants musulmans avaient posé les conditions de l'interprétation du texte sacré en particulier. Le calife Omar tenait quotidiennement des réunions de travail avec un groupe de compagnons pour lire et méditer le Coran, réservées exclusivement aux érudits. Il est rapporté que le grand calife, qui avait un amour et un attachement particulier pour le Coran, tenait ces séances de lecture juste après la prière de l'aube, et qui duraient jusqu'au lever du soleil, pour aller ensuite vaquer aux affaires de la vie quotidienne. Il faisait appel personnellement à Ibn Abbas, en dépit de son jeune âge, pour le mettre à côté des compagnons les plus chevronnés et avancés dans l'âge. À ces derniers, qui voyaient d'un mauvais œil cette intrusion, Omar avait pris la défense du jeune Ibn Abbas en disant de lui qu'il était connaisseur dans la science du Coran et donc méritait bien sa place parmi le ghota des grands. La tradition de l'interprétation et les critères de définition ont en fait pris naissance avec la révélation même du Coran. Le Prophète se chargeait de tout. Toutefois, il demandait conseil pour les choses de la vie. La plupart des exégètes les ont par la suite fixés avec précision : la connaissance du Coran et du hadith, la connaissance parfaite de l'arabe, la connaissance approfondie de la tradition, le don de l'interprétation, ce qui suppose une culture et une faculté d'analyse et de déduction élevée, de l'honnêteté et de la probité, en privilégiant d'abord les compagnons formés à cet effet. En l'absence de référence établies dans le Coran, le hadith et la tradition, la porte était ouverte à l'Ijtihad, mais par des gens aptes à le faire. C'étaient eux qui remplissaient ces critères. Ceux qui étaient venus après, avaient hérité de leurs legs inestimables pour fonder les premiers tafsirs écrits en débutant par l'imam des exégètes Tabari, que Dieu l'agrée, deuxième siècle près l'hégire. Du temps du Prophète (P. et S. soient sur lui), le problème ne se posait pas. C'est du temps du califat que se posa la nécessité de fixer les premiers critères pour prétendre à une interprétation du Coran. Aussitôt se dégagèrent du lot les noms de quelques compagnons qui se comptaient sur le bout des doigts pour leur adjoindre ce rôle. Tous ont été des élèves du Prophète (P. et S. soient sur lui). L'on retient, suivant l'ordre de préférence retenu par les exégètes eux-mêmes : Ibn Messaoud, Ibn Abbas, Oubaï Ibn Kaâb, Zaïd Ibn Thabet, Abou Moussa Al Achaâri et Abd Allah Ibn Zoubir, que Dieu les agrée tous. À ce lot, viennent s'ajouter des noms non moins importants comme Anas Ibn Malek, Abou Hourayra, Abd Allâh Ibn Omar, Jabir Ibn Abd Allah, Amr Ibn Al-Ass et une femme, Aïcha, l'épouse du Prophète, en raison de sa connaissance des hadiths en rapport avec les versets, qu'Allah les agrée tous. Chacun de ces compagnons, formés à l'école du premier éducateur sur terre tout au long de la longue période de la Révélation, étaient des gardiens et des sources fondamentales pour l'interprétation. Pour le bien du Coran et du hadith en particulier et de l'Islam en général, certains de ces compagnons comme Ibn Abbas et Aïcha, que Dieu les agrée, ont survécu une longue période après la mort du Prophète (P. et S. sur lui) dans une société où la tradition orale l'emportait encore sur l'écriture et la documentation. Certes, le Coran fut écrit à l'époque du Prophète (P. et S. sur lui) et réuni par la suite de façon définitive sous le califat de Othmane, mais ce n'était pas encore la grande généralisation de l'écriture pour des raisons historiques. Ceci a permis d'enraciner la culture de l'interprétation du Coran dans les mœurs en formant des générations qui ont porté le flambeau par la suite, en donnant naissance à des foyers et, par la suite, à de grandes écoles dans les principaux centres islamiques : l'école de Médine, issue de l'enseignement de Oubai Ibn Kaâb et avec Anes Ibn Malek, l'école de la Mecque avec Ibn Abass, l'école de Damas, l'école de Koufa avec Ibn Messaoud et l'école de l'Egypte avec Amrou Ibn El-Ass et leurs disciples. Vu ces périodes très riches, il est utile de revenir sur quelques-uns de ces figures et ces monuments, ainsi que ces écoles qui déterminèrent en vérité tous les prolongements futurs. Dans cette période ascendante d'âge d'or, il n'y avait pas de contraintes, de fortes divergences ou des limites qui entravaient l'interprétation. On n'y pensait même pas. (À suivre) S. B. Prochain article : Les grandes étapes du Tafsir