Ce sont les colonisations successives ayant ciblé l'Afrique du Nord qui sont à l'origine de l'éclatement des peuples amazighs qui sont actuellement éparpillés sur plusieurs pays. 2iéme partie Mais, avant de parler des Berbères des temps anciens, peut-être conviendrait-il de situer d'abord dans l'espace ceux du te¦nps présent, ceux qui sont en principe représentés ici, aujourd'hui. Et là, disons-le tout de suite, on ne peut que reconnaître la douloureuse réalité du fractionnement géographique du monde amazighe. La principale cause de ce fractionnement est d'ordre historique: agissant sur les âmes au plus profond, I'islam a entraîné l'arabisation de pans entiers de la société berbère, et amené des générations successives d'Amazighs à se sentir, à se dire, et souvent à se vouloir arabes contre vents et marées. Ce fractionnement est dû ensuite au fait que le colonialisme français a tracé au cordeau la plupart des frontières des Etats africains riverains du Sahara, sans le moindre égard pour les différences ethniques. De cela, il a résulté que les berbérophones sont de plusieurs nationalités. Ils sont principalement Marocains et Algériens, mais aussi Libyens, Tunisiens, Mauritaniens, Maliens, Nigériens, Burkinabés, ou même Tchadiens. (Abrous et Claudot-Hawad). Et, comme l'émigration vers d'autres continents a joué son rôle, il existe actuellement une importante diaspora amazighe numériquement bien implantée, en Espagne, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, et en Belgique, et de plus en plus attirée par le Canada et les Etats-Unis d'Amérique. A l'intérieur même de chacun des pays d'origine, la berbérité, en tant que fait linguistique, ne fait pas forcément un bloc du point de vue de l'étendue géographique, sauf au Maroc où elle barre la quasi-totalité du territoire national, du Nord-Est au Sud-Ouest, en une diagonale plus ou moins large selon les régions, puis en Algérie, au Mali et au Niger où elle occupe des zones séparées certes les unes des autres, naturellement ou artificiellement, mais suffisamment vastes pour se sentir aptes à pleinement s'affirmer en tant qu'identité ethnique. Il s'ajoute à cela qu'en Algérie et au Maroc, de nombreuses villes se berbérisent insensiblement d'année en année au plan démographique, sous l'effet de l'exode rural. Déjà ville kabyle à l'époque des Français, Alger l'est devenue davantage depuis 1962. À cette dernière date précisément, la population berbérophone de Casablanca a été estimée par un chercheur à près de 23% (Adam, I, p.273). Ce pourcentage n'a pu que croître. Mais, pour des raisons politiques faciles à deviner, au Maroc tout au moins, les nombreux recensements qui se sont succédé depuis 1960 passent systématiquement sous silence les chiffres concernant les langues pratiquées par les recensés. Ce qui n'empêche pas un phénomène, intéressant par sa nouveauté, de se produire de manière spectaculaire en zones rurales arabophones, où les éléments les mieux instruits de la population commencent à se réclamer d'origines amazighes, en s'appuyant sur des constatations d'ordre historique, linguistique, anthropologique et toponymique. C'est le cas des Ghiata de Tazaet des Jebala de Taounate, à titre d'exemple. Un pacte a même fait de cette question l'objet d'un recueil de vers où il exprime la joie d'avoir retrouvé ses racines (El-Méliani). Il est à noter que si cette prise de conscience a d'abord concerné des groupements berbères d'arabisation plus ou moins récente, elle n'a pas manqué de s'imposer assez rapidement à de petits échantillons de populations habituées, depuis longtemps, à s'enorgueillir et à toujours se prévaloir d'une ascendance censée être hors du commun. C'est peut-être là un effet du militantisme culturel amazigh. (À suivre) M. C. NDLR/ Les titres et surtitres sont de la rédaction.