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La Kabylie n'est qu'une mythologie coloniale française
berbérie
Publié dans El Watan le 25 - 08 - 2004

Cette contribution est une réponse au professeur Lahouari Addi qui a publié un article intitulé « La Kabylie n'est pas la Bosnie-Herzégovine » in Algeria Watch, le 24 mai 2001. Une mise au point est nécessaire devant une telle mystification notamment quand notre cher professeur en sociologie prétend que « c'est un fait historique que le Maghreb soit d'origine berbère et c'est un fait socio-géographique que les montagnes soient berbérophones et les plaines arabophones ».
Avant tout, il faudrait chercher l'origine des mots kabyle, kabylie, berbère et berbérie. Dans l'Antiquité, toute l'Afrique du Nord s'appelait la Libye. Hérodote écrit dans (Histoire II, 32) : « Car en Libye, les bords de la mer qui la limite vers le nord à partir de l'Egypte jusqu'au cap Soloeis, qui marque la fin du continent libyen, sont habités d'un bout à l'autre par des hommes de race libyenne divisés en nombreuses peuplades sauf les parties occupées par des Grecs et des Phéniciens. » Aucune ethnique s'appelant kabyle ou berbère n'a été signalée par le père de l'histoire. Il en est de même en ce qui concerne les toponymes Kabylie et Berbérie. Sur les cartes romaines d'avant 1830, date de la colonisation de l'Algérie, les chaînes de montagne qu'on appelle depuis 1830, la Kabylie, Chaouia ou Berbérie s'appelaient en réalité Ferratus Mons le mont Ferratus pour la Kabylie et Aurasius Mons pour le mont des Aurès. La question qui se pose, c'est comment ces ethniques et ces toponymes imaginaires ont été désignés pour les habitants de l'Algérie anciennement la Numidie et comment ils ont remplacé les anciens Phéniciens et Latins ? Pour Hérodote qui a été le premier à utiliser le terme barbare qui a été transformé improprement après en berbére, cela ne veut nullement désigner un ethnique ou une race. Barbare en grec barbaros veut dire pour les Grecs celui qui ne parle pas grec et c'est tout. Depuis Hérodote jusqu'à la colonisation française, ce mot a un sens strictement linguistique et non pas ethnique contrairement aux idéologues manipulateurs qui parlent en ce qui concerne l'Algérie d'ethnies, de géographie ethnique et ils ont même dressé des cartes ethnico-linguistiques pour les Algériens qui sont pourtant compétents pour dessiner la cartographie de leur pays (entre autres manipulateurs idéologues M. Marc Cote). Chez Hérodote, barbarizo littéralement veut dire je barbarise, autrement dit je parle une langue non grecque. Pour les Grecs, les Barbares sont les peuples qui entourent la Grèce qui ne parlent pas le grec : l'Egypte, la Perse, la Libye avec ses nomades (Hérodote veut dire par Libye, l'Afrique du Nord). Ernest Renan dans ses œuvres complètes, tome 2, page 551 dit : « Le nom de berbère paraît, à l'heure actuelle, le meilleur pour désigner ce rameau du genre humain. » Le vocable kabyle pour désigner une partie des habitants de l'Algérie actuelle a vu le jour quand l'armée française, avec ses interprètes et leur chef le baron De Slane, a conquis le pays. Ces interprètes ont transcrit le mot arabe « Qabila » singulier « Qabaïl » pluriel qui veut dire tribu en arabe, en un mot francisais « Kabyle, Kabylie ». Ils ont gardé presque la prononciation d'origine du mot arabe tribu. A l'origine, toute l'humanité était groupée en tribus. Il y a eu les tribus françaises de Gaule, les tribus viking, les tribus indiennes, les tribus arabes, les tribus d'Israël, etc. Cela ne concerne pas uniquement l'Algérie ou le Maghreb. L'administration coloniale en Algérie a fait de ces transcriptions des ethnies et des toponymes qui n'ont aucun rapport avec la réalité historique ou scientifique. Louis Massignon cité par G. Lafuente, page 99 (La politique berbère de la France et le nationalisme marocain ), l'Harmattan, Paris, 1999, 402 p, écrit : « Comme tous les conquérants et les débutants, j'étais très sympathique à cette thèse ; j'aurais cru à l'assimilation franco-chérifienne de la Kabylie par le mouvement du berbérisme qui devait éliminer la langue arabe et l'Islam de notre Afrique du Nord, au bénéfice de la langue française et de la chrétienté, en deux temps : 1-exhumation du tuf linguistique et coutumier des Berbères ; 2-assimilation par une langue et une loi supérieures françaises et chrétiennes. » Massignon parle ici du Maroc. Ces mots Kabylie et berbérisme ne concernent pas uniquement l'Algérie. Le projet de Massignon n'a pas réussi. Le soin est laissé à ses enfants spirituels pour le réaliser en Algérie actuellement. Edmond Doutté ethnologue cité par G. Lafuente, même ouvrage précité, page 45, écrit : « Aussi bien au Maroc qu'en Algérie, la distinction ethnique des indigènes en Arabes et Berbères est une distinction vaine, parce que aucun critère ne peut être invoqué pour fonder cette division. Il est plus que douteux qu'il y ait eu une race berbère. » « Le vocable berbère n'a de sens précis qu'en linguistique où il désigne un ensemble de dialectes étroitement unis par des caractères communs. » Considérer les montagnes en Algérie berbérophones et les plaines arabophones est du n'importe quoi au sens propre du mot et n'a aucun rapport ni avec la sociologie, ni avec l'histoire, ni avec la géographie, ni avec la science. Dans le premier royaume numide que les Romains après la victoire de Scipion l'Africain sur Hannibal Barca à Zama ont accordé au roi Massinissa (Mazinizan) en récompense de sa collaboration avec les Romains, la capitale de ce dernier était bien Cirta, actuellement Constantine. Massinissa y est inhumé à 16 km environ. Selon cette logique de la géographie ethnique des lutteurs idéologiques, c'est Constantine qui devait s'appeler la Kabylie puisque l'ancêtre y a vécu ainsi que ces trois fils qui y ont régné (Micipsa, Gulussa et Mastanabal). La découverte d'un demi-millier de stèles du sanctuaire phénicien d'El Hofra à Constantine au printemps 1950 a bien prouvé que Massinissa et ses trois fils utilisaient le phénicien comme langue de travail et d'administration (documents archéologiques du gouvernement général de l'Algérie, service des antiquités n° 1506, publiés à Paris en 1955 par les Arts et Métiers graphiques). Massinissa qui a régné durant 50 ans environ n'a laissé aucune trace d'une langue avec un alphabet. Il avait pourtant la liberté de le faire par décret s'il le fallait, si elle existait. Scientifiquement on ne peut parler que de faits dialectaux. Une littérature abondante milite pour cette thèse. La linguistique comparative peut remonter à l'origine d'une langue. Vers la fin du XVIIe siècle, apparaissent les premiers essais de classification génétique des langues. Cette classification logique consistant à descendre l'arbre généalogique des langues actuelles qui sont considérées comme les plus fines branches pour retrouver les plus grosses qui sont souvent rattachées à des branches maîtresses qui mènent au tronc original exactement comme on descend de la cime d'un arbre vers ses racines. Ce tronc est la langue mère d'où sont issues par différenciations successives les langues filles puis les dialectes. Tamazight n'est qu'un dialecte. Les savants linguistes la classent parmi la famille chamito-sémitique. Si c'était une langue avec un alphabet, pour quelles raisons on lui en cherche un actuellement et à l'étranger pas en Algérie ? Tout le monde le sait. L'hébreu, qui est bien une langue chamito-sémitique comme le phénicien, le syriaque, l'arabe, a bien conservé son alphabet malgré l'histoire difficile de ses titulaires. Les Arabes ont bien colonisé l'Iran pendant des siècles, mais comme le perse est une langue avec un alphabet, il l'a bien gardé. Beaucoup de similitudes non fortuites militent pour l'origine orientale des premiers habitants de l'Afrique du Nord. Les preuves les plus solides sont linguistiques, archéologiques et géographiques. Tamazight en tant que dialecte est un fait que personne ne peut nier. En Europe, aujourd'hui, il existe des dialectes français, italiens, allemands, espagnols, belges, hollandais, etc. Ils sont utilisés à côté de la langue officielle de l'administration et de la science. Cela ne gêne personne et n'a jamais constitué un problème linguistique ou ethnique visant à saper l'unité de la nation. Quels que soient les sentiments qu'un Allemand, un Italien, un Belge, un Français éprouve pour son dialecte, il ne penserait jamais à le placer au même rang que la langue nationale. Le bavarois est bien de l'allemand, le piémontais est bien de l'italien, le flamand est bien du belge et le patois est bien du français. Mais il y a une forme d'allemand, une forme d'italien, une forme de belge et une forme de français qui n'est pas dialecte mais plutôt une langue. Il y a des Allemands, des Italiens, des Belges et des Français qui ne parlent aucun dialecte mais uniquement la langue nationale. Comme il y a des Allemands, des Italiens, des Belges et des Français qui parlent les deux. Cela ne les empêche pas d'être citoyens de leur Etat. Les berbéristes qui contestent en Algérie la colonisation de l'arabe, pourquoi ils n'en font pas autant en ce qui concerne le français qui est lui aussi une colonisation ? Il y a deux poids, deux mesures. Ils ne le font que contre la langue arabe et ne ménagent aucun effort pour parfaire leurs connaissances en français. Le royaume de Massinissa a existé bien avant le christianisme. Ceux qui revendiquent la langue de Massinissa n'hésitent pas à prendre comme support alphabétique l'alphabet français. Or, l'histoire récente nous dit que le français dans sa forme actuelle a commencé d'être pratiqué à partir du XVIe siècle seulement. Si cet alphabet a existé pourquoi est-il en formation ex nihilo actuellement à l'étranger ? Dans la réalité, ces gens n'ont vraiment pas une demande linguistique et culturelle légitimes et bien fondées. Ce qu'ils ont c'est la haine de la langue arabe et de l'Arabe lui-même. A l'heure actuelle, quel est l'Algérien qui peut scientifiquement prouver qu'il est un Amazigh, un Arabe ou autre ? Les Algériens et les Maghrébins, s'ils veulent combler les insuffisances accumulées dans les domaines du développement, de la science et de la technologie, ont intérêt à connaître et à pratiquer toutes les langues du monde sans exclusive dans la mesure du possible et tant que la nécessité le veut. Une préférence doit être accordée aux langues de la science et de la technologie.

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