La longue histoire de l'exégèse est jalonnée de faits et d'œuvres marquants qui ont façonné la pensée des musulmans à travers les âges, avec des hauts et de des bas. Chaque époque, chaque région avait sa spécificité et son héritage. Parmi les ouvrages récents les plus en vue, l'on retient ceux du grand cheikh Ben Achour et du professeur de théologie Cheikh Et-Thadhbi en allant dans le détail, notamment pour les première périodes et de l'âge d'or de l'exégèse. Dans son introduction à la traduction du Coran, le professeur Hamza Boubeker consacre un long chapitre très fouillé et très exhaustif sur la question. S'il y a un domaine où tout est répertorié, tout est explicité, avant même la poésie, la littérature, et les autres sciences, c'est bien celui de l'exégèse. Tout se connaît, même si du grand public, et même de l'intelligentsia, la majorité des grands maîtres, des principaux courants et des principales périodes demeurent peu connus ou mal approchés. Toutefois, l'exégèse avait une grande emprise et une grande influence dans la vie des musulmans, provoquant la jalousie des hommes politiques qui avaient tous les pouvoirs entre les mains. L'on peut retenir quatre grandes étapes pour ces maîtres dans la connaissance de grands courants de l'exégèse. - La première couvrant les deux premiers siècles de l'hégire, comprend, comme on l'a déjà vu, cinq grandes écoles : l'école de la Mecque avec un koraïchi Ibn Abass, de Médine avec un médinois Oubaï El-Ansari, de Koufa dite l'école de l'Irak avec l'imam Ali Ibn Abi Taleb et Ibn Messaoud de Damas, d'Egypte avec le grand compagnon et néanmoins dirigeant, Amr Ibn El-Ass. Le reste des courants et des grandes écoles sont redevables à ces grands centres jusqu'à nos jours. Leur legs est resté une source de référence et un passage obligé dans l'interprétation du Coran, du fait qu'ils étaient de vrais apôtres du Prophète (P. et S. soit sur lui). Leurs disciples ont continué leur chemin, couvrant presque toute la période du califat des Omeyades, installés à Damas. Ce sont les descendants d'Ibn El-Abass, partis de la Mecque, qui fondirent la deuxième dynastie en islam, dite abasside. C'est dire l'importance de cet enseignement sur les prises de conscience déjà au niveau politique. - La deuxième période, allant du deuxième au septième siècle de l'hégire : c'est celle des grands classiques, où deux courants s'étaient disputé le leadership et le commandement. Les conservateurs qui s'étaient repliés sur eux-mêmes, croyant être fidèle à l'esprit et à la lettre des prédécesseurs, et les novateurs plus enclins à l'ijtihad et à l'ouverture. Les disputes entre les moûtazila, les rationalistes et les conservateurs endurcis et sclérosés ont provoqué des fractions fatales pour l'exégèse et, partant, pour la pensée islamique. Elle constitue, malgré tout, l'âge d'or de l'exégèse plus proche de la bonne interprétation fidèle et très ouverte de la tradition du Prophète, en donnant lieu à la production des meilleurs écrits sur l'exégèse et des meilleurs exégètes de tous les temps. Trois ou quatre noms émergent du lot : Tabari, le père fondateur de l'exégèse écrite, Qortobi et Ibn Kathir. Toutefois, la domination du second courant précipita la chute de la pensée islamique. - La troisième période, du huitième au douzième siècle de l'hégire, celle de la décadence : elle est surtout occasionnée par le manque de production tant en quantité qu'en qualité. Certes, elle n'a pas manqué de cas éclairés, soit dans le domaine de l'exégèse ou celui tout proche de la réflexion et de la pensée. L'on relève des éclats de baroud d'un côté comme de l'autre pour sauver le navire du naufrage, mais la vague était si importante qu'elle avait presque tout emporté. L'on cite surtout les écrits conversés de Ibn Taymia et son disciple Ibn El-Qaïm El-Djouzia. De l'autre, il y a Ibn El-Arabi et les Soufis qui tentèrent de secouer le cocotier, en vain. Chez nous au Maghreb, l'alarme a été donnée par un bon avertisseur, Ibn Khaldoun, plus versé sur la pensée, l'éducation, la civilisation et les phénomènes de société. - La quatrième période, celle récente du réformisme et du modernisme: l'on aurait aimé que les causes ayant été à l'origine de la décadence et du retard dans l'exégèse et, partant, de la pensée coranique, auraient été un déclic nécessaire et salutaire pour sortir du bourbier. Il n'en est rien. Le même débat se prolongea à distance entre réformateurs conservateurs et réformateurs dits modernistes avec, souvent, des fractures très profondes empêchant tout décollage. La pensée coranique demeure prise en étau par un archaïsme parfois le plus abjecte, tenant en otage le dernier message divin, un message universel. Toutefois, des brèches sont ouvertes annonçant de bons auspices. Personne ne peut empêcher la lumière de Dieu de percer le voile. On aura l'occasion de revenir en détail sur chacune des périodes et des principaux maîtres de l'exégèse coranique qui conditionne une grande partie de notre pensée et notre mode vie. S. B. Email: [email protected] Prochain article : La période des compagnons, celles des vrais maîtres!