Les crises du système financier international sont de plus en plus fréquentes, le plus souvent inattendues par les décideurs politiques, et introduisent des craintes qui dégradent l'économie réelle. En fait, dans le monde actuel, nous avons deux types d'économie. La première est réelle : les agents économiques produisent des biens industriels, agricoles et des services qui sont commercialisés à travers les échanges monétaires. Le secteur financier est supposé faciliter la production et les échanges à travers la mobilisation de l'épargne et l'octroi de crédits afin d'utiliser les surplus des uns, souvent les consommateurs, par les producteurs, habituellement les entreprises, en ayant en vue que même les ménages peuvent emprunter. Lorsque l'économie fonctionne comme cela, les risques de dérapage existent mais sont mineurs et facilement corrigibles ? Mais alors où est le problème ? Il est le suivant : la sphère financière devient de plus en plus autonome. Elle finance plus les achats de papiers financiers, la spéculation, la revente à l'infini des effets financiers, et les bénéfices se font de plus en plus en achetant et en vendant des produits financiers qu'en finançant l'économie réelle. Les bénéfices de la sphère financière représentent actuellement 50% du total des excédents aux USA. La crise de 29 fut surtout initiée par un excès de spéculation à crédit qui a détruit le système financier ; puis l'économie réelle fut plongée dans le chaos pour insuffisance de crédit au début, puis par manque de demande par la suite. La crise des subprimes est également initiée par la sphère financière (financement effréné d'actifs à crédit sans base économique réelle). Les décideurs politiques ont été incapables de réformer en profondeur le système malgré leurs nombreuses promesses. Sur cette crise financière, se superpose une crise de l'économie réelle. Les pays, ou, du moins, leurs décideurs politiques ont mal compris l'utilisation de l'outil économique ou ont été contraints d'en faire mauvais usage par les circonstances politiques. Le déficit budgétaire devrait être utilisé en période de récession pour juguler le chômage. Or, de nombreux pays, comme la Grèce, les USA et l'Irlande, avaient continué à créer des déficits (dépenser plus qu'ils ne prélèvent d'impôts), même en période de prospérité. Les déficits sont financés par le recours à l'emprunt ; ce qui renforce la puissance des marchés financiers. L'endettement des Etats-Unis dépasse maintenant les 100% de leur production nationale (PNB). D'où la détérioration de la valeur de leur notation par une agence de notation (Standard and Poor), alors que les deux autres (Moody and Ficht) l'ont gardée AAA. Il y a un des trois professeurs qui a mal noté son élève ; quoi qu'il y ait beaucoup de choses à reprocher aux trois agences. Les marchés financiers s'affolent. Il faudrait beaucoup plus que les discours d'Obama pour calmer la situation. La Chine, qui détient 1 100 milliards de dollars en effets financiers américains, craint pour ses avoirs et réclame une refonte du système monétaire mondial. Evidemment, il y a beaucoup plus que cela et nous ne pouvons rendre justice à la complexité des faits et aux nombreux paramètres et mécanismes en jeux. Nous avons focalisé sur l'essentiel. Par exemple, les pays scandinaves, qui avaient constitué des surplus budgétaires en période faste, se portent beaucoup mieux que les pays qui ont vécu au-dessus de leurs moyens même en situation de forte croissance. Mais que risquons-nous en Algérie par cette période de forte turbulence ? Le seul point légèrement positif réside dans la montée des taux d'intérêt dont nous pouvons en bénéficier. En effet, une mauvaise notation signifierait que les effets financiers du gouvernement US deviennent un peu plus risqués et il faut compenser cet aspect par un taux d'intérêt plus élevé. Mais les craintes sont plus importantes. En premier lieu, la valeur des actifs que nous détenons peut facilement se détériorer. Si les bons de Trésor américain chutent de 1%, nous perdrons à peu près 1,5 milliard de dollars. Toute revente des bons avant leur échéance le sera avec une décote. En second lieu, les prix des hydrocarbures sont libellés en dollar. Une chute de la monnaie américaine va grandement nous pénaliser puisque 70% de nos échanges se font vers la zone euro. Nous ne risquons pas de perdre gros parce que l'euro lui-même est menacé par les crises grecque, irlandaise et italienne. Ces évènements ne manqueront pas de retarder la reprise et faire durer la récession avec sa longue litanie de chômage. Les prix pétroliers seront à un niveau plus bas qu'ils ne l'auraient été sans la crise. Nous allons inévitablement perdre au change même si nous n'avons pas été acteurs des évènements. Les exportations hors hydrocarbures qui sont déjà insignifiantes vont peiner à se développer et nous risquons une forte croissance des importations. Les investissements internationaux se raréfient en période d'incertitude, comme ce fut le cas lors des précédentes crises. Globalement, nous allons ressentir des effets négatifs mais qui sont loin d'être dévastateurs. Il est très probable que les crises financières vont continuer pendant une longue période à causer beaucoup de dégâts, sans pour cela détruire le système pour deux raisons. Premièrement : la plupart des pays ont vécu pendant des décennies au-dessus de leurs moyens ; maintenant, ils doivent repayer. Ils ne sont pas psychologiquement prêts à le faire. En second lieu, le monde est géré par des “politiques politiques” et non des politiques économiques. Le compromis US entre démocrates et républicains ne convainc personne parce que c'est un compromis politique sans logique ni cohérence économique ; de même que les plans européens. L'Algérie a intérêt à travailler ses fondamentaux. Nous ne sommes pas en train de financer les gisements de la croissance durable : qualifications humaines, modernisation managériale, financement de l'économie productive, économie de la connaissance. Ce sont ces axes-là qui nous permettront de construire une économie forte qui résiste mieux et profiterait plus des crises mondiales au lieu de les subir. Si nous développons ces axes, nous pouvons acheter à bas prix des entreprises technologiques et opérer un transfert technologique et managérial rapidement, mais à bas prix. Mais au point où nous en sommes, nous ne pouvons que subir et prier Dieu que la situation ne sera pas pire. L. A. *expert