À voir les Algériens courir pour le pain, ils donnent l'impression de ne vivre que de ça. Réminiscence du temps où ils en vécurent vraiment ? Exorcisme de la hantise d'en manquer ? Les spécialistes du comportement nous le diront peut-être un jour. Mais nous expliqueront-ils pourquoi nos compatriotes jettent le même pain à la poubelle ? Cela se complique encore plus lorsqu' on commence à voir des gâteaux dans les mêmes ordures. GÂTEAU À LA BANANE Ingrédients l 300 g de bananes mûres et fermes l 250g de farine l 125g de beurre l 125g de sucre l 3 œufs l 1 tasse de lait l 1 paquet de sucre vanillé l 1 cuillérée à café de levure chimique Préparation l Pelez et coupez les bananes en fines rondelles et réservez-les sur une assiette. Réduisez le beurre en pommade, puis au fouet pour le rendre crémeux. Ajoutez le sucre en continuant à fouetter puis les œufs et le sucre vanillé tout en continuant a battre jusqu' à obtention d'un mélange mousseux. Incorporez la farine et la levure délicatement à l'aide d'une spatule en bois. Versez dans un moule beurré. Ajoutez les rondelles de bananes par-dessus, tapotez le moule pour que les fruits s'enfoncent dans la pâte. Enfournez à four préchauffé 200° (th.6) et laissez cuire 35 min. Laissez refroidir avant de démouler. Momo [email protected] lectures TRANCHE DE BEAUDELAIRE Je découpais tranquillement mon pain quand un bruit très léger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit être déguenillé, noir, ébouriffé, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dévoraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot : gâteau ! Je ne pus m'empêcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement, il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise puis, happant le morceau avec sa main, recula vivement, comme s'il eût craint que mon offre ne fût pas sincère ou que je m'en repentisse déjà. Mais au même instant il fut culbuté par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'où, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frère jumeau. Ensemble, ils roulèrent au sol, se disputant la précieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitié pour son frère. Le premier, exaspéré, empoigna le second par les cheveux, celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron en patois. Le légitime propriétaire du gâteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur, à son tour celui-ci appliqua toutes ses forces à étrangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tâchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivé par le désespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tête dans l'estomac. À quoi bon décrire une lutte hideuse qui dura en vérité plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre? Le gâteau voyageait de main en main et changeait de poche à chaque instant; mais, hélas! il changeait aussi de volume; et lorsque enfin, exténués, haletants, sanglants, ils s'arrêtèrent par impossibilité de continuer, il n'y avait plus, à vrai dire, aucun sujet de bataille; le morceau de pain avait disparu, et il était éparpillé en miettes semblables aux grains de sable auxquels il était mêlé. Ce spectacle m'avait embrumé le paysage, et la joie calme où s'ébaudissait mon âme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu; j'en restai triste assez longtemps, me répétant sans cesse: “Il y a donc un pays superbe où le pain s'appelle du gâteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide !” Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, 1862