Dernier spectacle, avant-hier soir, de la tournée algérienne de ces deux artistes dont la collaboration date de plus d'une décennie. Ils partagent la scène et une grande amitié qui a donné naissance, fin 2010, à l'album "Yobadi" (les amis en bambara) où les inspirations rythmiques de Karim Ziad se marient au son profond de l'emblématique goumbri, le tout mêlé magistralement à la voix puissante du Maalem. Il est des soirées qui restent longtemps dans les mémoires tant elles procurent plaisir et enchantement. Des soirées où l'on se délecte à l'écoute d'une musique qui nous ressemble et nous renvoie à notre passé, à notre histoire. Elles sont rares ces musiques-là mais elles existent, et le gnaoui en fait partie. En prenant compte de ce paramètre, il est donc très difficile de faire le récalcitrant à l'écoute du son que fait le goumbri où la main joue le rôle des notes, encore plus difficile de résister à la tentation de bouger en entendant le rythme qui invite à la danse des Qraqeb (crotales), et il est insoutenable de rester indifférent aux élans harmonieux de l'artiste éclectique et batteur de talent, Karim Ziad. La Medina de la Radio algérienne & Nedjma a reçu, samedi dernier, Maalem Hamid El Kasri et le batteur Karim Ziad, pour le dernier concert de la tournée algérienne de ces deux artistes, et qui les avait menés à Constantine, Mascara et Alger (deux dates : Casif et Medina). Face à un public "converti" et euphorique, Maalem Hamid El Kasri, ses six Koyo (danseur gnaoui), et Karim Ziad, ont interprété quelques-uns des Tarh (en Algérie, on dit Bordj, ce qui signifie morceaux) du répertoire des gnawa. Les plus emblématiques peut-être ou alors les plus connus, car comme il y a 300 tarh que les Algériens partagent avec les Marocains, il est difficile d'en saisir tous les contours et surtout de tout reproduire en une seule soirée. Il était vingt-trois heures passé, lorsque Maalem Hamid El Kasri, un des maîtres gnawa les plus en vue de la scène gnaoui. Né en 1961, l'artiste initié par le mari de sa grand-mère au Tagnaouite (culture gnaouie) a sillonné le monde, produit plusieurs albums, avant de sortir l'album, "Yobadi", où on [ré]écoute avec bonheur des rythmes de gnaoui revisité, mais toujours chantant Dieu, Son prophète, les "Awliya Salihine", et bien évidemment la souffrance du peuple des Gnawa déporté de l'Afrique noire et réduit à l'esclavage. Comme des complaintes, les sons du gnaoui transpercent l'âme. Certes, beaucoup de zones d'ombres entourent encore le Tagnaouite et ce genre musical profondément ancrée dans la tradition mais lors concert de la Medina, il n'y avait que de la lumière. Un arc en ciel de couleurs, de sonorités… comme dans une "lila" (Diwan, chez nous) avec plusieurs cycles de transe, "Jedba". Maalem Hamid El Kasri a entamé son tour de chant par "La Ilah Ila Lah", un chant profond et peu rythmé, puis il a enchaîné avec des titres comme "Hamdouchia", “Lalla Aicha", "Aicha Kandicha", "Moulay Ahmed", "Baba Hamou", "Baba Mimoun", l'incontournable "Bania" et la superbe "Sandiya". Le clou du spectacle, c'est lorsque Maalem Hamid El Kasri a abandonné son goumbri pour accompagner à la batterie Karim Ziad. Magistral ! Lors de ce concert qui a vu l'instrument de Karim Ziad se transformer en "une batterie gnaoui", comme il le souhaitait tant lors de la rencontre de mardi dernier à l'espace Mille et Une News du quotidien "Algérie News", le principe de la "lila" a été respecté, puisque les spectateurs se sont purifiés et ont exultés lors d'une exaltante soirée. Les "ouled bambara" ont réussi leur pari de faire danser Alger jusqu'à l'épuisement. Mais qu'est ce que c'était court !