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La Libye post-Kadhafi, 4 ans d'instabilité dans le meilleur des cas Conférence au conseil Atlantic du centre Rafik-Hariri pour le moyen-orient à Washington DC
Le retour à la normale s'annonce pour le moins chaotique en Libye, estiment les conférenciers, qui se basent sur la situation prévalant dans ce pays ces dernières semaines. Désarmer les rebelles, organiser une police, décider d'une Constitution, tenir des élections, poser des institutions, le compte des tâches ne s'arrêtera pas là pour stabiliser la Libye et ceci dans le meilleur des cas où Kadhafi serait capturé, les tribus qui lui sont dévouées ne se soulèvent pas contre le CNT et les islamistes acceptent d'adhérer au projet de démocratisation de la Libye. À Washington DC, le Conseil Atlantic du centre Rafik-Hariri pour le Moyen-Orient se pose déjà les innombrables questions auxquelles la nouvelle Libye serait confrontée. Dans une conférence dédiée à la situation post-Kadhafi, Karim Mezran et Daniel Serwer, de l'université Johns-Hopkins ainsi Peter Pham du centre africain Ansari se sont en tout cas accordés à décrire une instabilité qui risque de se prolonger. Quatre scénarios sont possibles pour Karim Mezran, professeur à l'université, un Italien d'origine libyenne, qui commence tout d'abord par contredire le CNT en précisant que la radicalisation où l'islamisme est en nette progression avec une cadence accélérée, depuis les trois dernières années, attribuant l'assassinat de l'ex-ministre de la Défense libyenne Abdel Fatah Younes aux islamistes et non pas à l'Otan comme rapporté précédemment et confirmant également la présence de groupes islamistes “bien armés et bien entraînés” dans certaines régions de la Libye. Il décrira ensuite les situations de massacres qui ont pris place à Tripoli et qui ne sont pas de bon augure puisque les hôpitaux continuent d'enregistrer plusieurs cas relatifs à des actes de torture et de corps avec d'apparentes preuves d'exécution dus “à l'effondrement soudain de la résistance et du manque d'ordre dans les rangs des rebelles”. Le premier scénario, selon Karim Mezran, est de voir ces factions rebelles refusaient de déposer les armes et que la situation tourne à la somalienne. Selon lui, ceci pourrait engendrer un deuxième scenario de bipolarisation où l'émergence d'un leader militaire, en tant qu'homme fort, avec le but de stabiliser la Libye en faisant soumettre les rebelles à la nouvelle autorité, créerait irrémédiablement un retour de régime sous la forme d'une autre dictature, situation qu'il donne comme probable puisque, selon lui, “le CNT manque de charisme et de leadership”. Dans le troisième cas, Karim Mezran envisage tout simplement une transition compromise où le manque de consensus entre les différents représentants du CNT et ceux qui ont participé à la guerre et qui n'y sont pas encore représentés, pourrait créer puis alimenter des discordes donnant pour exemple le décalage dans les déclarations tenues par les deux représentants du CNT les plus en vue, Mustapha Abdeljalil et Mahmoud Jibril, ce dernier ayant déjà signé des contrats avec les Italiens pour se garantir une position à long terme. Puis en dernier, Karim Mezran donne le scénario qu'il souhaite se réaliser en Libye où les rebelles libyens déposent les armes, que les membres du CNT s'accordent sur les principes de base et que l'Occident arrive avec une aide à divers niveaux pour renforcer la situation sécuritaire et organiser les institutions financières et autres. Daniel Serwer déplore quant à lui que l'Europe qui a des “intérêts vitaux” en Libye et qui pourrait se retrouver à faire face à une immigration massive pour le cas où les choses tourneraient au vinaigre en Libye, n'ait pas envisagé de mettre sur pied une force paramilitaire pour assurer une mission de police. “Je pense que c'est une erreur de ne pas avoir organisé une force paramilitaire prête à intervenir en cas de besoin”, dit-il après avoir défini ce que devraient être les priorités libyennes, à savoir entre autres de mettre une fin à la logique de vengeance. Pour le long terme et pour la stabilité de la Libye, Daniel Serwer préconise la mise en place sans délai du système judiciaire pour l'établissement d'un état de droit, processus qui prend beaucoup de temps à se réaliser et qui risque par conséquent de faire vivre aux Libyens 3 à 4 ans de “mauvaises expériences”. Quant à la transition, il trouve qu'établir une Constitution censée distribuer les pouvoirs sur les institutions en 6 mois et d'organiser des élections en un an est un agenda peu réaliste. “Ils devraient mener des élections municipales avant tout. C'est une énorme erreur de tenir des élections nationales (relative à une Assemblée nationale) en premier”, dit-il citant le cas du Kosovo qui avait utilisé cette option “aux vertus stabilisatrices” qui permet l'émergence des tendances politiques au niveau locale. “Nous n'avons pas encore vu l'émergence d'un leadership”, ajoute-t-il pour soutenir son opinion quant à la crédibilité des options choisies jusqu'ici par le CNT. Pour ce qui est du rapatriement des fonds libyens gelés dans les banques occidentales, Daniel Serwer n'y va pas par quatre chemins. “Ils devraient recevoir un peu d'argent mais pas trop d'argent”, dit-il pour éviter un scénario à l'irakienne où les citoyens n'ont toujours pas bénéficié d'un juste retour des richesses de leur propre pays. “Il y a un manque d'expertise qui fait défaut et qui doit être mis en place sinon tout l'argent du monde ne fera que causer une inflation croissante due aux coûts des services sans pour autant apporter de réelles valeurs”, dit Peter Pham du Centre africain Ansari, sur cette même question.