En s'engageant sur des réformes “approfondies”, le pouvoir s'est embarqué dans une drôle de galère. D'autant qu'il semble en avoir fait sa carte de visite, celle qui lui permet de ne pas être traité en dictature résiduelle d'Afrique du Nord. Par les temps qui courent, on ne peut appeler réformes n'importe quelle retouche à une législation qui fonde l'arbitraire, si tant est que la législation devienne, par on ne sait quel miracle, contraignante pour le pouvoir. Jusqu'ici, la loi existait aussi : mais, qui peut dire par quel mystérieux circuit s'octroyait un agrément de publication ou se refusait l'homologation d'un parti politique ? Le pouvoir est donc en train de concevoir des réformes, son Parlement devra les enrichir ; il devra ensuite les mettre en œuvre sous le contrôle de sa justice. Cela fait beaucoup d'institutions dont le fonctionnement démocratique et l'attribut d'indépendance sont établis ! Quant à l'essence démocratique de ses réformes, l'Exécutif qui, en toute circonstance, ne manque jamais de revendiquer ses réalisations, s'en lave les mains : les projets de loi en cours de finalisation sont présentés comme inspirés des “propositions pertinentes” des partis et personnalités consultés ou ayant déposé des avis écrits. Le gouvernement se met, par là, en position de faire partager la parenté des réformes aux représentants de la classe politique et de la société civile consultés. Le laborieux Conseil des ministres qui vient d'entériner les projets de texte sur l'information, les partis et les associations démontre l'hésitation d'un gouvernement qui, loin d'être résolu dans sa volonté de réforme, patine à s'accorder avec lui-même. Non pas que les conditions de l'exercice des droits politiques, civiques et du droit à l'information demandent à être réinventés, mais certainement parce que le pouvoir n'a pas encore résolu la question de la dose d'ouverture qui lui permettrait de présenter ses réformes comme conformes au standard des avancées démocratiques attendues. Le statu quo dans le traitement des partis politiques et des associations renvoie l'organisation de la vie politique au sur-place. Avant l'avènement de l'Etat de droit, c'est-à-dire l'Etat où le pouvoir n'est pas au-dessus de la loi et où la justice est indépendante, le pouvoir pense rassurer sur la liberté d'association en instituant, pour les initiateurs de partis politiques, le recours au Conseil d'Etat. Si le monopole de publicité institutionnelle n'est pas préalablement démantelé, la libération légale de l'exercice de la presse écrite est annulée par la répartition politique du budget de promotion des institutions et des entreprises publiques. L'irrésolution réformatrice apparaît nettement dans l'ajournement de la question cruciale de l'ouverture de l'espace audiovisuel en attendant une “loi spécifique” : le niveau d'ouverture toléré n'était pas présentable et le niveau présentable ne pouvait être exhibé comme l'expression de l'ouverture prônée. La lourdeur dans la conduite des réformes et la timidité qu'on peut lire dans les éléments de réforme rendus publics confirment l'impossibilité structurelle de réformes conduites de l'intérieur en Algérie : il en va de la survie du régime et de l'existence du système. M. H. [email protected]