Le gouvernement de transition en Libye est plus une injonction de l'OTAN qu'une décision consentie par la rébellion contre le régime de Kadhafi qui n'a pas livré les secrets de ses composantes et dont les forces tentent de vaincre la tenace résistance des combattants du régime déchu dans leurs derniers bastions. Les combattants restés fidèles à Kadhafi opposent depuis 4 jours une résistance farouche dans leurs derniers principaux bastions de Syrte et Bani Walid. Pourtant, au moins 6 000 combattants du CNT ont été mobilisés sur ce front, selon le Conseil militaire du CNT. Pour la chaîne de télévision Libya Al-Hurra, le nouveau gouvernement libyen comporterait une trentaine de membres, “représentatif de tous les Libyens” et dans lequel figureront des femmes. Il faut savoir que la CNT avait déjà nommé un gouvernement à Benghazi mais qui a disparu au bout d'une semaine, à cause de divergences profondes au sein de sa direction disparate et de divers horizons avec le poids prépondérant des islamistes, de radicaux aux modérés en passant par les salafistes. Libya Al-Hurra a aussi la feuille de route de ce gouvernement : gérer la transition en attendant de nouvelles élections et la rédaction d'une nouvelle Constitution. Le CNT a promis de disparaître dans 8 mois devant la conférence organisée en août à Paris par Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique pour justement dessiner cette Libye post-Kadhafi. Le conseil a assuré ses soutiens qu'il comptait diriger le pays jusqu'à l'élection d'une Assemblée constituante, avant des élections générales un an plus tard. Puis le mouvement de reconnaissance du CNT s'est accéléré, même la Chine a tourné le dos à Kadhafi. L'ONU devait à son tour annoncer la fin du régime de Kadhafi et son remplacement par ceux qui l'ont chassé. Le Conseil de sécurité, qui a rendu possible l'éviction du dictateur libyen déchu avec sa résolution 1973 autorisant le recours à l'OTAN, a levé le gel des avoirs libyens et a dépêché une mission onusienne de trois mois en Libye pour assister les nouvelles autorités dans l'organisation de ces élections. Le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, doit se rendre à New York pour assister à l'ouverture de l'AG de l'ONU du siège que vient d'être attribué à la Libye débarrassée de Kadhafi. Le nouveau régime sera représenté à l'ONU par le chef de la mission diplomatique libyenne de l'époque kadhafienne. L'ambassadeur Abdourrahman Chalgham devrait conserver son poste, selon des sources proches du secrétariat général de l'ONU. La défection en février de son adjoint, Ibrahim Dabbachi, dans le camp rebelle avait inspiré de nombreux diplomates libyens en poste à l'étranger qui avaient rompu avec le “guide”. Chalgham avait fini par lui emboîter le pas début de l'été, et s'était rallié au CNT à l'occasion d'un discours dans lequel le diplomate avait comparé Kadhafi à Hitler et à Pol Pot, pleurant sur les victimes de 42 ans de pouvoirs dictatorial ! Pour autant, le CNT est loin d'avoir réglé ses divisions et dissensions. L'onde de choc suite à l'assassinat obscure du général Younès, un fidèle de Kadhafi, qui avait pris la tête des opérations militaires de la rébellion, reste encore vive au sein du CNT et de l'opposition à Kadhafi en général. Le comité d'enquête sur sa mort annoncé par le CNT n'aurait même pas été installé ! Plusieurs versions ont émergé sur le meurtre : pour certains, Kadhafi l'a commandité, pour d'autres, le général a été victime d'islamistes pour venger la répression menée par Younès contre eux pendant qu'il était ministre de l'Intérieur de Kadhafi… pour d'autres, c'est une question de rivalités à l'approche de la chute de Kadhafi. Les spéculations ne sont pas taries en Libye sur le sujet mais tous les observateurs en conviennent : le CNT reste une auberge espagnole avec des différences fortement marquées, pour ne pas dire inconciliables, entre les tribus, les forces religieuses et d'autres groupes. L'assassinat de Younès que les tribus qui lui sont proches ont juré de venger, a fragmenté l'opposition, et depuis sa disparition, le CNT est confronté au défi de maintenir la stabilité en son sein. Kadhafi chassé de Tripoli, l'impasse s'est prolongée, les discordes existantes entre certaines tribus étant remontées à la surface maintenant qu'il s'agit de partager le gâteau. Le danger d'un bourbier, autrement plus dangereux, en Libye n'est pas à évacuer. On le dira jamais assez, la Libye n'a jamais été un Etat structuré ni une nation plus ou moins homogène. Ce fut et est resté un conglomérat de tribus. Kadhafi en a rajouté des couches grâce au pétrole.