La Russie, la Chine et l'Iran ont réaffirmé, selon des termes propres à la diplomatie de chacun des pays, leur soutien au régime de Bachar Al-Assad, alors que l'Europe et tout particulièrement la France fait un forcing pour durcir les sanctions contre Damas et que les Etats-Unis appellent clairement Al-Assad à céder le pouvoir. La Russie renvoie dos à dos pouvoir et opposition, accusant cette dernière de compter des terroristes en son sein. La Syrie a toujours été un partenaire commercial important et un allié stratégique dans la région et Moscou rejette toute idée de condamnation par le Conseil de sécurité de l'ONU. “Nous ne partageons pas le point de vue des Etats-Unis et de l'Union européenne à l'égard du président Bachar Al-Assad”, a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, qui a exhorté l'opposition à “prendre ses distances avec les extrémistes”. On peut penser que Moscou, grâce à ses relations privilégiées avec la Syrie est mieux au fait des rapports de force à l'intérieur du pays et connaît mieux certaines subtilités liées à l'édifice confessionnel et communautaire. La Russie est d'autant plus à l'aise dans cette position qu'elle est confortée par la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud, le Liban et l'Iran. Sans compter que la Ligue arabe s'est prononcée contre toute intervention étrangère, malgré l'attitude de certains de ses membres tels l'Arabie Saoudite et le Qatar. Certes, Européens et Américains font feu de tout bois, appuyés par quelques monarchies arabes, pour faire plier Al-Assad et son régime. On peut évoquer à ce propos la menace d'inculpation de Damas pour “crime contre l'humanité” à laquelle se sont ajoutées de nouvelles mesures de rétorsion économiques. Mais il faut dire que malgré l'embargo sur le pétrole syrien décidé par les 27 de l'Europe mais qui ne pourra être effectif qu'en novembre, à la demande de l'Italie, ce genre de mesures ne se sont jamais avérées efficaces contre les régimes incriminés mais sanctionnent surtout les populations. Cela a valu notamment en Irak et en Yougoslavie où il a fallu faire parler les armes pour démanteler les régimes. De plus, l'essentiel des exportations syriennes va vers ses voisins iranien (30%) et libanais (12%). Même un embargo sur les armes serait de nul effet, celles-ci pouvant aisément parvenir de Russie via le territoire iranien. L'Iran constitue un soutien solide et précieux au régime d'Al-Assad, dominé par la minorité alaouite, d'essence chiite. Pour Téhéran, le régime syrien est une pièce maîtresse pour son leadership dans la région, y compris pour la facilitation de ses relations avec le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien qui sont comme des poissons dans l'eau à Damas. C'est d'ailleurs là qu'il faut chercher les motivations de l'Arabie Saoudite lors de son intervention au Bahreïn pour mater la révolution car, dans ce pays, le pouvoir est détenu par une minorité sunnite au détriment d'une majorité chiite. En un mot comme en dix, les moyens de pression dont disposent les Etats-Unis et l'Europe peuvent, certes, gêner Damas, mais en aucun cas ils ne peuvent mener à sa chute. Pour cela il faudrait une opération militaire d'envergure, mais ni l'envie ni les moyens légaux pour ce faire ne sont réunis. En effet, Pékin et Moscou, tous deux passablement remontés contre l'Occident après l'intervention de l'OTAN en Libye grâce à leur abstention lors du vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, ne voudraient en aucun cas que l'expérience se répète avec la Syrie. C'est dire qu'un scénario à la libyenne est définitivement écarté, surtout lorsqu'on sait que la chute de Kadhafi n'aurait jamais été possible sans l'intervention étrangère.