“Il faut repenser le financement de l'économie”, suggère Abdeldjellil Bouzidi, docteur en économie et enseignant à la Sorbonne Nouvelle. L'enjeu pour l'économie algérienne reste la transformation, à un rythme plus soutenu, de l'épargne en investissement. C'est, du moins, la conviction de M. Abdeldjellil Bouzidi, docteur en économie et enseignant à la Sorbonne Nouvelle, qui a animé, hier à l'hôtel Hilton d'Alger, un débat sur les fonds souverains, organisé par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care). M. Bouzidi a tenté de démystifier cette notion de fonds souverains qui, aujourd'hui, fait polémique, en Algérie, pour la presse internationale, notre pays a déjà des fonds souverains. Pour M. Abdeldjellil Bouzidi, le terme de “fonds souverains” englobe plusieurs réalités qui peuvent être différentes. Cette notion est même devenue polysémique tant ceux qui en parlent ne pensent pas toujours à une même réalité. Abdeldjellil Bouzidi définit les fonds souverains comme des véhicules financiers publics gérant des fonds publics. Ces fonds peuvent être placés suivant une stratégie d'investissement préalablement établie. Les fonds souverains ne gèrent que 4 000 milliards de dollars, très loin derrière les fonds de pension. 64% des fonds souverains proviennent des ressources d'hydrocarbures. “Le Fonds de régulations des recettes, par rapport à la définition que j'ai donnée, c'est un fonds souverain”, explique Abdeljellil Bouzidi, indiquant que l'Algérie apparaît dans les classements internationaux des pays ayant un fonds souverain, ne serait-ce qu'à travers le Fonds de régulation des recettes. Du coup, M. Abdeldjellil expose trois réalités algériennes qui font penser à des fonds souverains, citant les réserves de changes placées en actifs liquides souverains, le Fonds de régulation des recettes et le Fonds national d'investissement. “Il y a déjà des fonds souverains en Algérie. C'est à la limite un faux débat. La question est à quoi servirait un fonds souverain ?” affirme Abdeldjellil Bouzidi. L'économiste estime que l'économie algérienne “est toujours en attente de décollage”. Certes, sur le plan macroéconomique, les fondamentaux sont au vert. Malheureusement, sur le plan microéconomique, beaucoup reste à faire : une croissance économique insuffisante, un climat des affaires à améliorer. L'industrie manufacturière pèse pour moins de 5% du produit intérieur brut, alors qu'elle était de l'ordre de 18% dans les années 1980. On exporte, environ un milliard de dollars hors hydrocarbures, dont 60 millions de dollars seulement de produits manufacturiers, pour des importations des biens et services estimées à 50 milliards de dollars. “Il faut repenser le financement de l'économie”, suggère Abdeldjellil Bouzidi. Pourquoi il faut repenser le financement de l'économie algérienne. En Algérie, le taux d'épargne représentait plus de 52% du PIB, pour un taux d'investissement estimé à 33%. En d'autres termes, il y a un fort taux de thésaurisation. Parallèlement, les IDE hors hydrocarbures restent limités et ne s'orientent pas vers l'industrie, préférant les services (téléphonie, immobilier et secteur bancaire notamment). L'enjeu-clé pour l'économie algérienne reste donc la transformation, à un rythme plus soutenu, de l'épargne publique abondante en investissement. Ce rôle de transformation est traditionnellement dévolu aux banques et aux marchés de capitaux. Mais en Algérie, le marché de capitaux est à l'état embryonnaire. Les banques publiques, qui récoltent plus de 85% des dépôts, remplissent mal leur rôle de transformation. “Les secteurs de production de biens et services peinent à financer leurs investissements”, conclut M. Bouzidi, d'où la pertinence de la création d'un fonds d'Etat dédié à l'investissement. Ce fonds s'inscrirait dans une stratégie économique à moyen terme, elle-même au service d'une vision à long terme pour l'Algérie. L'objectif du fonds serait de réamorcer la pompe de l'investissement productif, et notamment en créant des champions nationaux dans les secteurs stratégiques, en suscitant l'émergence d'un réseau de PME compétitives et innovantes et en favorisant l'émergence de pôles de compétitivité. Ce fonds pourrait constituer le bras armé des politiques de l'offre au profit de l'investissement productif. Abdeldjellil Bouzidi a conclu que la gouvernance, la politique de ressources humaines et le “talent management” constituent des facteurs indispensables à la réussite d'un tel projet.