Le patron de la DGSN, le général-major Abdelghani Hamel, évoque l'évolution de la situation sécuritaire dans nos villes, quartiers et cités et les actions entreprises pour mieux occuper le terrain. Renseignement, prévention, présence, proximité et investigations, mais surtout ressource humaine spécialisée et professionnelle, la DGSN fait sa mue et s'adapte. M. Hamel développe également, dans cet entretien, les exigences des citoyens en matière de sécurité, de la police de proximité et de la communication. Liberté : Depuis quelque temps, la criminalité en milieu urbain a connu une sensible montée. Quelles sont les mesures adoptées par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) pour y faire face et quelle est la nouvelle stratégie tracée par vos services afin de juguler certains fléaux, comme les agressions, les batailles rangées, la drogue, autres crimes et délits ? Abdelghani Hamel : Pour faire face à la criminalité et aux différents fléaux émergents, la Sûreté nationale, en tant qu'institution chargée des missions de sécurité et de maintien de l'ordre, tendant à assurer la protection des personnes et des biens et le rétablissement de l'ordre public, a mis en place une palette d'actions de nature proactive, fondée sur la doctrine de l'emploi judicieux des forces pour prévenir la criminalité et préserver l'ordre public. Ces actions, exécutées dans le cadre du respect des droits, des lois et des règlements de la République ont permis aux unités opérationnelles d'avoir des ripostes adaptées et proportionnées, face aux différents cas d'atteintes et de transgressions à l'ordre public, enregistrés cette année sur le territoire national. Au plan opérationnel, des aménagements ont été opérés dans la stratégie de prévention et de lutte contre la criminalité afin de conforter les capacités d'action des entités de base, en termes d'efficacité et de prise en charge prioritaire de l'évolution de la criminalité. Plusieurs mesures ont été prises. Il s'agit, en premier lieu, de la reconfiguration des plans de prévention et de lutte contre la criminalité, en identifiant sous couvert de l'exhaustivité du renseignement fourni, les foyers mouvants de la délinquance et ciblant prioritairement l'entreprise criminelle dans sa globalité, au lieu de ses éléments épars qui la structurent. Suivra alors la modernisation des moyens d'intervention et d'enquête avec le renforcement de la ressource humaine hautement qualifiée et spécialisée. En troisième lieu, la programmation périodique d'opérations d'envergure, c'est-à-dire des opérations coup-de-poing, ciblant les quartiers sensibles, en mobilisant un nombre important de personnels, selon la nature et l'ampleur de la mission, avec comme noyau dur la police judiciaire, appuyée par les éléments de la sécurité publique et des unités républicaines de sécurité (URS). Enfin, et en quatrième lieu, le renforcement et la modernisation des moyens et capacités humains, notamment pour ce qui est des moyens de recherche et investigation et d'équipements scientifiques, à savoir les moyens et outils d'investigations dans le domaine de l'identification criminelle (Sirc), de détection du faux, d'analyse criminelle et de gestion des scènes du crime, outre le PDA (personnel data assistant, un ordinateur portable connecté au fichier national) permettant l'identification des personnes à temps. Dans les grandes agglomérations, le crime organisé, ajouté à la petite délinquance, prend souvent de nouvelles formes auxquelles les services de la DGSN doivent s'adapter. Pouvez-vous nous éclairer sur cet aspect et quelles sont les mesures urgentes que vos services ont prises dans ce sens ? Au volet du crime organisé, qui représente 3,91% de l'ensemble du volume de la criminalité enregistrée sur le territoire national, la DGSN a procédé au renforcement du dispositif de lutte contre la criminalité organisée. Sur le plan organisationnel, par la mise en place de structures spécialisées, en charge de missions de recherches et d'investigations, dont les personnes ont bénéficié de formations spécialisées au niveau national et international, permettant le perfectionnement de leurs compétences en fonction de l'évolution de la criminalité et des modes opératoires usités par les groupes criminels. Il s'agit, entre autres, des brigades de recherches et d'investigations chargées exclusivement de la lutte contre la criminalité dite “grave”. Elles sont appuyées sur le plan de l'orientation analytique par les cellules d'analyse implantées dans la quasi-totalité des sûretés de wilayas. L'apport de la police scientifique et technique à travers les brigades de l'identité judiciaire, relevant des 48 sûretés de wilayas, vient augmenter les capacités des brigades spécialisées en matière de lutte contre la criminalité organisée surtout qu'elles sont dotées d'importants moyens modernes et d'applications informatiques d'aide dans la recherche criminelle. Le contrôle aux frontières a été également renforcé par la mise en place du système de télécommunication Interpol l-24/7 qui permet la détection et l'identification des véhicules volés à l'étranger et des documents de voyages objets de recherches. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité économique et financière, la DGSN dispose également de 48 brigades économiques et financières (BEF), renforcées par la création des sections spécialisées pour lutter contre les atteintes au patrimoine culturel, les atteintes à la propriété intellectuelle, la cybercriminalité, pour ne citer que ces cas de figure. En matière de lutte contre les stupéfiants et de substances psychotropes, la Direction générale de la Sûreté nationale contribue pleinement dans les actions entrant dans le cadre de la prévention de l'abus des drogues. La DGSN intervient, à travers l'organisation des semaines d'information dans tout le territoire national, l'organisation de campagnes de sensibilisation dans les milieux éducatifs dans le cadre de la police de proximité, la participation dans l'encadrement des étudiants dans les mémoires de fin d'études, la représentation active dans les journées d'études sur la toxicomanie, la participation dans la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la drogue et la toxicomanie et, enfin, la présence en continu dans les émissions de la radio et de la télévision et la presse écrite nationales. Sur le plan structurel, il existe 48 brigades de lutte contre les drogues, relevant des sûretés de wilayas et de Police judiciaire (SWPJ), ainsi qu'un service régional de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes. De même, la Direction générale de la Sûreté nationale envisage, dans le cadre du renforcement des capacités de prévention et de lutte contre cette forme de criminalité, la création prochaine d'une sous-direction chargée de la lutte contre le crime organisé et de services régionaux de lutte contre cette forme de criminalité. Ces unités spécialisées seront mises en œuvre en tenant compte des données statistiques relatives à la criminalité et seront dotées de personnels qualifiés ayant subi des formations continues et spécialisées dans le domaine des techniques d'investigations. Dans certaines localités, les citoyens exigent une présence dissuasive de vos éléments. Quelle philosophie développe la DGSN dans ce sens ? L'occupation par les éléments de police des lieux de prédilection de la délinquance est un des principaux axes du plan d'action de prévention de la DGSN. Cette présence est confortée par une redynamisation des opérations d'envergure menées dans les quartiers jugés à risques et donnant lieu souvent à l'effritement de plusieurs réseaux de délinquants. L'occupation du terrain est donc un objectif principal des forces de police d'autant que le travail avec les autres acteurs sociaux est considéré comme un moyen de prévention contre la commission d'actes délétères. S'ajoute à cela le déploiement du dispositif de caméras de surveillance dont l'élan est jugé progressivement favorable. Quelle est la stratégie adoptée par vos services en matière de communication et de présence dans les médias nationaux ? Comme toute communication institutionnelle, nous estimons que celle de la Direction générale de la Sûreté nationale repose sur un certain nombre de principes, dont la transparence, parce qu'il nous paraît évident, contrairement à certaines idées reçues, qu'une diffusion en temps réel de l'information confère à l'informateur efficacité et crédibilité. Ensuite le travail en partenariat. Car notre conviction est que le citoyen est la base de la sécurité et, par voie de conséquence, il demeure essentiel que ses multiples contributions soient prises en considération dans le cadre des actions de prévention. Dans ce sens, les expériences menées avec la société civile et la presse nationale sur des thèmes de prévention contre la violence et les drogues notamment ont démontré l'évidence de la réussite de telles initiatives dont les résultats ont été très probants. L'autre principe est celui de la subsidiarité. En d'autres termes, il ne faut intervenir que dans la mesure où l'apport de l'information peut représenter une plus-value réconfortant le sentiment de sécurité. Et, enfin, la célérité dans la communication. À ce titre, la Sûreté nationale a mis en place un service central de communication et de presse au niveau du siège de la DGSN, des bureaux spécialisés dans trois directions centrales, à savoir la direction de la Police judiciaire (DPJ), la direction de la sécurité publique (DSP) et la direction de la police des frontières (DPF), ainsi que 48 bureaux de communications et de relations publiques au niveau de toutes les Sûretés de wilayas, avec en charge de répondre aux doléances des professionnels de la presse et des citoyens. L'objectif est donc de faire connaître les activités des différents services de police et de promouvoir les actions entreprises en matière de police de proximité, et ce, dans l'optique d'apporter réconfort et sécurité aux citoyens, tout en les associant à prendre part aux actions de prévention d'intérêt général et, enfin, contribuer à la sécurité de leur environnement.