Le ministre de la Justice n'a ménagé aucun effort pour défendre l'impératif d'un quota pour les femmes dans les Assemblées élues. “La disparité entre les femmes et les hommes dans la société ne procède pas d'une insuffisance ou d'une lacune dans la Constitution et la loi mais est la conséquence de l'interaction d'éléments historiques, sociaux et économiques qui a fini par éloigner la femme de la vie politique”. C'est ainsi qu'a expliqué, jeudi, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Tayeb Belaïz, les raisons de la désaffection des femmes à la vie politique. Intervenant devant l'Assemblée populaire nationale (APN), lors d'une séance plénière consacrée à la présentation du projet de loi organique fixant les modalités d'élargissement de la représentativité des femmes dans les Assemblées élues, le ministre de la Justice n'a ménagé aucun effort pour défendre l'impératif d'un quota pour les femmes dans les Assemblées élues. Expliquant qu'“en dépit des nombreuses réussites de la femme algérienne dans les différents domaines et de la consécration de l'égalité entre les genres par la Constitution et toutes les lois, notamment en ce qui concerne le droit de vote, de candidature et d'exercice politique, sa représentativité politique et dans les Assemblées élues demeure une problématique qui nécessite un examen sérieux en vue de trouver les mécanismes à même d'y remédier”. Preuve à l'appui, il notera que le taux actuel de représentativité des femmes à l'APN ne dépasse pas 7,7% et 5,1% au Conseil de la nation. Avec la précision que toutes les femmes sénatrices ont été toutes désignées dans le tiers présidentiel par le président de la République. La situation n'est pas non plus meilleure dans les Assemblées locales élues puisqu'il est question de seulement trois femmes au poste de présidente d'APC et aucune au poste de présidente d'APW. Aussi et face à cet état de fait, le membre du gouvernement a estimé que “la justice et la démocratie exigent de l'Etat de garantir l'accès des femmes aux Assemblées élues et d'œuvrer à trouver les mécanismes à même de leur permettre de doubler leurs effectifs au sein de ces assemblées en fonction de leur proportion dans la société”. Belaïz : “Seule la loi peut permettre à la femme de faire de la politique” L'expérience a démontré, estime le ministre, que seul le législateur est à même de permettre à la femme d'exercer ses droits politiques concrètement et de garantir sa présence effective dans les postes décisionnels comme c'est le cas dans d'autres pays qui ont promulgué une loi indépendante prévoyant le principe et les mécanismes d'élargissement de la participation des femmes dans les Assemblées élues. Expliquant dans ce cadre que c'est sur instruction du président de la République, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la Journée de la femme en mars 2009, qu'a été créée une commission chargée d'élaborer la loi organique sur l'élargissement de la représentativité des femmes dans les Assemblées élues. Laquelle commission est constituée des magistrates de la Cour suprême et du Conseil d'Etat, des universitaires spécialisées en droit, en sciences politiques, en histoire et en sociologie, ainsi que des cadres d'organismes et d'institutions nationales concernées par les questions de la femme, note le ministre. Cette commission, note-t-il, a proposé un projet qui a fait l'objet de débat lors de plusieurs réunions du gouvernement et lors du Conseil des ministres. Concrètement parlant, le ministre qui a présenté les articles du projet précise que chaque liste de candidats doit comporter une proportion de femmes qui ne peut être inférieure au tiers (1/3) du nombre total des candidats de la liste sous peine de rejet. Aux yeux du gouvernement, le système obligatoire des quotas sur les listes de candidatures est le plus approprié à la Convention internationale sur la lutte contre la discrimination à l'égard de la femme à laquelle a adhéré l'Algérie, a-t-il souligné. Aussi pour faire face au manque de candidates, note le ministre, dans les régions rurales où la femme est écartée de la politique en raison des traditions, le projet propose de limiter l'application du système de quotas aux élections de l'APN, des APW et des APC qui comptent plus de 20 000 habitants, a indiqué le ministre. Le sénat non concerné Le Sénat n'est pas concerné par le système des quotas. “Vu que l'application de ce système fera progressivement doubler la représentativité des femmes nul besoin de disposition visant à élargir la participation de la femme au Conseil de la nation, tant que l'application de ce système permettra à la femme d'accéder aux Assemblées locales et à l'APN et élargira sa représentativité, en lui accordant le droit de se présenter aux élections du Conseil de la nation”, argue le ministre. Aussi et dans l'objectif de maintenir le taux de représentativité de la femme aux Assemblées élues, le projet de loi propose un remplacement du même sexe et que l'Etat encourage les partis politiques à œuvrer dans ce sens. Aussi, le projet engage le gouvernement à soumettre au Parlement un rapport d'évaluation sur la mise en œuvre de cette loi organique au terme des élections locales et législatives. Intervenant à l'issue de la présentation du ministre, les députés, au nombre de 105 inscrits au débat, ont divergé dans leur positionnement par rapport au texte de loi. FLN et RND : le “oui” des femmes, le “non” des hommes Les interventions des députés femmes du FLN se sont accordées avec celles du RND qui non seulement ont plaidé pour un quota de 30%, mais ont également revendiqué plus de postes pour les femmes dans les centres de décisions. Dans ce contexte, il est utile de noter que les députées FLN se sont inscrites en nombre pour défendre à leur manière le système des quotas. Sakina Messadi, député FLN, a exigé une meilleure présence des femmes au sein de l'Exécutif. “Le combat des femmes depuis la Kahina et Tinhinan ne peut se suffire de leur présence symbolique au sein de l'Exécutif”, dit-elle. De son côté, la députée Zerfa Benyakhlaf du FLN a noté que le projet de loi constitue une décision politique audacieuse garantissant des mécanismes opérationnels et objectifs qui visent à élargir la représentation de la femme dans les Assemblées élues. La députée FLN, Yamina Anani, quant à elle, a déploré les deux amendements introduits par la commission des affaires juridiques de l'APN, à savoir la réduction du quota de représentation de 30 à 20%, estimant que cette mesure reflète une vision superficielle concernant l'importance de la représentation de la femme au sein des Assemblées élues. Ouardia Aït Merar, députée du FLN, a indiqué qu'“on ne peut pas être d'accord avec le principe de la promotion de la femme en politique et être contre ce quota de 1/3 car il s'agit là d'une contradiction”. De son côté, la députée Saliha Djeffal (FLN) a souligné que la femme “a besoin d'une loi et pas d'une fetwa”. “Comment des députés qui avaient voté, à une écrasante majorité, l'article 31 bis lors de l'amendement de la Constitution en novembre 2008 s'opposent aujourd'hui à ce projet de loi ?”, s'est-elle interrogée. La même interrogation a été soulevée par la députée Fatma Kasmi du RND, qui a appelé les députés à donner la chance aux femmes pour montrer ce dont elles sont capables de faire dans la vie politique nationale. La femme a… “120% de ses droits” L'intervention des députés hommes tant du FLN que du RND a eu une caractéristique : tout en brossant un tableau des plus reluisants des femmes et de leurs réalisations, de leurs combats et de leurs rôles dans la société, les députés hommes n'ont pas, cependant, manqué de revendiquer une diminution du quota des femmes de 30% à 20%. Le député Benhalima Boutouiga du RND a souligné que son parti “est favorable au taux de 20%”, notant que “le problème ne réside pas dans le taux, mais plutôt dans les mécanismes de leur mise en application”. Position similaire du député FLN, Hocine Khaldoun, qui s'interroge sur le sens de la proportion de 1/5 de femmes dans le cas d'une wilaya qui a quatre sièges à l'APN. “J'interpelle le gouvernement pour clarifier les mécanismes de mise en application de cette proportion”, dit-il. Mustapha Benallah du FLN s'indigne quant à lui. “On parle de la femme, de son code, de son quota, mais où est l'homme dans tout cela ?” “La femme avait 100% de ses droits et maintenant on lui a rajouté 20%, elle se retrouve donc avec 120% des droits. L'homme par conséquent aura 20% en moins de ses droits”, dit-il, avant de noter : “Je ne suce pas mon pouce, je sais que ce texte va passer, mais je peux vous dire qu'il va créer la fitna”. Le député FLN de l'immigration, Mohamed Gahche, qui s'est interrogé “s'il y a suffisamment de femmes qui ont les compétences professionnelles pour être dans les Assemblées élues”. Ce député n'a pas hésité a évoquer les Etats-Unis où la participation des femmes aux Assemblées élues s'est faite de manière progressive. MSP et PT, même combat Les parlementaires du Parti des travailleurs (PT) ainsi que les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP) ont eu une attitude similaire par rapport au texte de loi. En effet, trois députés du PT, en l'occurrence Zoubida Kherbache, Ramdan Taâzibt et Nadia Chouitam, ont refusé le système du quota pour permettre à la femme d'intégrer la vie politique. Ils ont considéré que “le système de quotas est une humiliation pour la femme et est antidémocratique”. C'est la même position défendue par les députés du parti d'Abou Djerra Soltani, qui n'ont pas hésité à utiliser des propos violents pour dire leur refus du système des quotas. Pour Mohamed Mahmoudi du MSP, le système des quotas “est un mécanisme antidémocratique menant à une représentation de forme à travers un remplissage des listes électorales sans pour autant reconnaître la compétence de la femme”. Cet avis est partagé par Kamel Karkouri du même parti qui a qualifié de “naturel” l'opposition à la loi dans sa forme actuelle. Le député s'est étonné sur la teneur du texte de loi avant de s'interroger : “Pourquoi veut-on imposer aux femmes de faire de la politique ?” “Si on veut promouvoir la femme, ce n'est pas en l'obligeant à faire de la politique”, répond-il, avant de noter que “nous refusons que les Occidentaux nous donnent des leçons concernant les femmes”. “Les Occidentaux n'ont pas instauré le système des quotas pour promouvoir leurs femmes mais ont plaidé pour les compétences et à nous, ils viennent nous donner des leçons sur comment promouvoir les femmes”, dit-il. Salah Nour du MSP s'interroge, quant à lui, “en quoi c'est urgent de faire ce texte de loi ? Va-t-il régler nos problèmes politiques ? Quelle est son utilité ?” avant de répondre qu'“il faut donner aux hommes toutes les prérogatives dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle”. NADIA MELLAL djahana 15-10-2011 12:16