Le procès DGSN-ABM s'est poursuivi, avant-hier, avec l'audition de Mohamed Antri-Bouzar, DG de cette société et ses deux collaborateurs, le DG adjoint, Toufik Sator et Zerrouk, directeur commercial. Ils se disent victimes d'une cabale judiciaire. Les trois prévenus sont accusés de complicité de dilapidation de deniers publics. L'affaire concerne des marchés de fournitures de matériels informatiques cédés de gré à gré à la société ABM, après un avis d'appel d'offres déclaré infructueux. Parmi les accusés, figure également l'ancien colonel Chouaïb Oultache, principal mis en cause dans l'assassinat le 25 février 2010 du directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi. Oultache aurait, selon l'instruction, exercé son influence sur la commission d'évaluation technique des offres où il siégeait en tant que président pour choisir la société ABM dans laquelle son gendre Toufik Sator est actionnaire. Les cadres de la société privée Algeria business Multimédia (ABM) ont, tour à tour, affirmé avoir remporté en toute légalité et dans un cadre strictement professionnel des marchés de gré à gré avec la DGSN. Ils soutiennent détenir des documents qui attestent de la fiabilité de leurs déclarations. Les avocats des prévenus font remarquer que le premier marché portant sur la livraison de 10 300 onduleurs électriques a été validé par la commission des marchés et des services et par les services du contrôle financier de l'Etat. Le lot a été livré sans réserve de la part de la DGSN avec une garantie de deux ans. Quant au deuxième marché conclu de gré à gré simple, il porte sur des consommables d'origine Epson. Le fournisseur a désigné ABM comme son représentant pour ce marché avec la sûreté nationale. Me Bouitaoune, avocat de Toufik Sator, explique que “le juge d'instruction a été incapable de prouver que ces marchés sont irréguliers puisqu'ils ont été approuvés par la commission nationale des marchés et supervisés par le contrôleur du trésor public qui a donné son approbation. Donc, il y a une contradiction entre les pièces du dossier et les poursuites”. Toufik Sator, qui n'a pas pu retenir ses larmes lors de son interrogatoire par le juge, a déclaré que son seul crime est d'avoir épousé la femme qu'il aime, précisant qu'il “s'est marié avec la fille, mais pas le père”. Est-ce qu'Oultache savait que vous êtes actionnaire à ABM ? lui demande la juge. “Je ne lui ai pas dit”, répond Toufik Sator, concédant avoir été sollicité par son beau-père pour faire profiter la DGSN de ses connaissances en informatique. “J'ai apporté des conseils d'ordre général, je n'ai jamais parlé de marques”, précise-t-il. Il rappelle qu'il ne détient que 1,2% des actions de la société. “Je ne suis pas le propriétaire”, ne cesse-t-il de répéter au juge. Soupçonné par la justice d'avoir gonflé les prix et d'avoir fourni à la sûreté nationale un matériel ne répondant pas aux normes, Mohamed Antri-Bouzar, président de la société privée Algeria business Multimédia, soutient que dans le cadre de l'enquête de la police judiciaire, le fournisseur a été approché par le biais d'Interpol. Il a attesté que les onduleurs sont conformes aux normes et que leurs prix sont ceux du marché. Le procureur de la république ainsi d'ailleurs que la présidente de l'audience se sont intéressés, par la suite, aux retards dans les livraisons, sachant qu'aucune pénalité n'a été établie à l'égard de ABM. À ce sujet, le directeur commercial de l'entreprise considère qu'il y a eu de la part de sa société aucun retard de livraison. “Toute la marchandise était à Alger dans les délais. 60% au niveau des entrepôts de l'entreprise et le reste au port. Nous avons des documents de la compagnie maritime qui l'attestent. Pourquoi payer des pénalités alors que c'est la DGSN qui a stoppé les livraisons pour motif de faute de place”, s'interroge Zerrouk. Antri-Bouzar indique, pour sa part, que son entreprise a eu à supporter un million de dinars de frais supplémentaires de stockage, alors que les produits commandés par la sûreté nationale étaient disponibles. Encore une fois, la magistrate est revenue sur le pourquoi du stockage de 40% de la marchandise au port. “Ce lot de marchandise est resté au port,car à ce moment-là, on n'avait pas de place à ABM. L'entreprise travaille avec 12 marques et 800 clients. Nous avons à chaque fois un stock de 500 millions de dinars”, réplique le directeur commercial. Interrogés jeudi, les membres de la commission d'évaluation technique de la direction générale de la sûreté nationale (DGSN), présidée au moment des faits par Oultache Chouaïb, ont confirmé que le marché octroyé à la société Algeria Business Multimédia (ABM) en 2007 était conforme à la réglementation et à la législation en vigueur. Selon eux, la société ABM a été retenue pour fournir à la DGSN du matériel informatique parce qu'elle remplissait toutes les conditions techniques et juridiques. Un appel d'offres a été lancé à travers les journaux nationaux autour de ce marché, à la suite duquel des entreprises ont présenté leurs offres qui ont été examinées en “toute transparence” dans des salles équipées de caméras, ont précisé les membres de la commission. Ils ajoutent que les offres étaient affichées et le choix a été porté sur ABM sur la base de la compétence et compte tenu de l'offre intéressante proposée par rapport aux autres. Les membres de la commission ont certifié ignorer que Sator était le gendre d'Oultache et qu'à aucun moment ce dernier a exercé des pressions sur eux pour accorder les deux marchés à ABM. Nissa Hammadi absof 22-10-2011 22:14